Il
y a encore deux semaines, Dieng Mika était un fonctionnaire modèle. Le genre de
scribe dont notre administration a le secret. Plusieurs fois directeur puis
conseiller au ministère de l’Energie, il avait la particularité de ne pas faire
de vagues, de traiter sans excès les dossiers qu’on voulait bien lui confier et
de laisser passer tous les orages. Lors de l’avant-dernier Conseil des
ministres et alors qu’il n’était plus qu’à quelques mois d’une retraite bien
méritée, le voilà relevé de ses fonctions. Son tort : avoir révélé un
secret de… Polichinelle, en dénonçant la mainmise d’un certain clan sur le
secteur des mines. Via, selon ses tombeurs, une revue confidentielle française
qui a publié un dossier, certes truffé d’incorrections sur la situation des
mines mauritaniennes, mais qui donne une idée de l’ampleur du gâchis. De quoi
indigner Mika qui en avait pourtant vues, en trente-cinq ans de service, de
vertes et de pas mûres ! Et pas que lui d’ailleurs. Qui, en effet, pourrait
rester insensible à tant de népotisme et
de passe-droits ?
Du
forage aux fournitures, en passant par la consignation et le transit, les
sociétés minières présentes en Mauritanie sont soumises à un racket
systématique, de la part de la parentèle d’un président dont le discours sur la
gabegie prend de plus en plus les allures de coup d’épée dans l’eau. Même les
permis de recherche, jadis réservés aux sociétés pourvues de vrais moyens
d’explorer les zones spécifiées, font l’objet d’une terrible surenchère. Il ne
se passe pas un Conseil des ministres sans qu’une fournée de permis ne soit
attribuée à des sociétés fictives mais appartenant à gens « bien
nés », pour les vendre ou les louer à des sociétés étrangères. Des
fortunes ont ainsi poussé, comme des champignons.
Et
il n’y pas que les mines. Les rares sociétés d’Etat qui n’ont pas de problème
de trésorerie sont pressurisées, à longueur de journée, par cette armée de
sangsues. La SNIM,
les ports autonomes de Nouakchott et Nouadhibou, l’ENER, ATTM et consorts
subissent, quotidiennement, les assauts de ces prévaricateurs qui entendent faire
main basse sur le moindre marché. Le nettoyage, les fournitures de bureau, les
pièces de rechange de voitures, les services en tous genres, tout, absolument
tout est avalé. Englouti le plan d'urgence 2012 où des milliers de tonnes de
blé et d'aliments de bétail leur ont été attribuées, sans appel d'offres, à un
prix évidemment « convenu ». Rien n’est laissé aux autres, même pas
le menu fretin.
Et
l’on veut nous chanter, encore, qu’Ould Abdel Aziz, champion de la lutte contre
la gabegie, pourfendeur du népotisme, a mis à bas toutes les pratiques en cours
sous les régimes militaires. Indignons-nous, Mauritaniens, et décidons-nous,
enfin, à mener nos affaires avec un tant soit peu de jugeote : c’est, tout
de même, de notre sol, de notre Nation, de l’avenir de nos enfants qu’il
s’agit !
Ahmed Ould Cheikh
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