« Il vaut mieux s’exposer à l’ingratitude que
de manquer aux misérables ». En soutenant le futur président des pauvres,
Mohamed Ould Bouamatou (MOB) ne pensait certainement pas avoir affaire au moins
reconnaissant d’entre eux. Et pourtant : Mohamed Ould Abdel Aziz (MOAA)
atteint des sommets d’amnésie envers les bienfaits de son cousin qui n’aura eu
de cesse de faire accepter le poupinet putschiste auprès des Guéant, Bourgi,
Wade et consorts, avant d’aligner quelques deux milliards pour sa rectification
électorale, assistant à ses meetings et appelant à voter pour lui… A peine deux
ou trois mois après, voilà MOB convoqué à la police économique et interrogé,
comme un vulgaire malfrat, pour l’affaire dite des « hommes
d’affaires » à laquelle il est totalement étranger.
Désormais concurrencé par l’Etat et la parentèle de
MOAA dans ses affaires, l’homme voit son empire menacé par diverses requêtes
fiscales simultanées. Trois sociétés dans lesquelles il a des actions (GBM, BSA
Ciment et Mattel) ont reçu des avis de redressements fiscaux pour un total de 4.1
milliards d’ouguiyas. Le plus aberrant dans l’affaire est que BSA Ciment a vu
ses comptes épluchés sur les cinq dernières années, alors qu’en matière de
fiscalité, la prescription est de trois ans, même si la fraude est avérée.
Certes, il y aurait à redire, sur cette commodité si propice à la distraction
intéressée, mais, tout de même, on ne peut modifier la loi sans quelque décret
et, surtout, n’en appliquer les excès qu’à des cibles « privilégiées »…
Pire : alors qu’un juge a ordonné que le milliard cent vingt millions
d’ouguiyas que les impôts réclament à la cimenterie soit bloqué sur un compte
au Trésor public, en attendant que la justice statue sur le fond, le directeur
des impôts a refusé de tenir compte de cette décision et carrément envoyé la
police fermer l’usine. On comprend que Bouamatou ait quelque lourdeur sur
l’estomac et préfère vivre en exil, pour ne plus supporter les vexations de son
cousin.
A dire vrai, on se demande si MOB n’aurait pas, ici
ou là, laissé échapper quelque doute sur les capacités gestionnaires et
politiques de son ex-poulain. Car celui-ci semble avoir désormais choisi
d’utiliser l’arme du fisc comme moyen de pression sur ses opposants ou, plus
généralement, ceux qui douteraient qu’il faille rentrer dans les rangs. « L’Etat,
c’est moi », pérorait, en France, Louis XIV. En Mauritanie, c’est MOAA et
cela suffit à faire, pour l’instant, recette et variance comptable. Limam Ould Ebnou,
le PDG de Mauritanie-Leasing, a reçu il y a quelques mois, un redressement
fiscal de plus d’un milliard d’ouguiyas. Comprenant vite d’où venait le boulet,
il a immédiatement juré – Ouallahi ! – de ne plus jamais soutenir un
opposant. Et, par un de ces mystères de la divine rectification six aoûtarde,
le milliard s’est transformé en deux cent millions d’ouguiyas, bonifiés d’un
agrément pour fonder la
Banque Populaire de Mauritanie (BMP). Amine.
Le groupe MAOA continue, lui, à traîner le péché
originel d’être constitué de cousins à Ould Taya. Son président éponyme a été
traîné dans la boue, accusé d’avoir siphonné les comptes de la Banque centrale et envoyé
en prison. Lui aussi avait pourtant mis la main à la poche pour les besoins de
la campagne de MOAA. D’autres soutiens de l’Ego Rectificateur de tout – surtout
de ses dettes – n’ont guère plus été payés en retour. Le groupe Azizi, dont le patron a débloqué des
centaines de millions pour la campagne du président des pauvres, fait l’objet
d’un ostracisme à peine voilé, lorsqu’il soumissionne à un marché public.
Quelle incidence tout cela aura-t-il sur les prochaines (hypothétiques)
élections ? Apparemment, notre guide éclairé n’a plus seulement l’intention
de renouveler la classe politique. Il veut aussi propulser sur le devant de la
scène des hommes d’affaires qui lui répondent au doigt et à l’œil. Garde-à-vous !
Repos ! Main à la poche ! Mais voilà : l’ingrat oublie beaucoup
plus vite que celui qui en subit la noirceur. Ingratitude d’autant plus amère
et noire que le bienfait fut grand, comme dit le dicton. Et, donc, d’autant
plus rude, le retour de bâton. MOAA risque fort d’avoir en s’en souvenir d’ici
peu…
Ahmed Ould Cheikh
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