La sortie, la semaine passée, de l’ancien chef de l’Etat,
Ely Ould Mohamed Vall, sur une radio locale, continue à susciter des remous. A
propos des événements de 1989, Ely avait déclaré que la police qu’il dirigeait
à l’époque s’était contentée d’enquêter pour identifier les sénégalais
susceptibles d’être expulsés ; et que si des mauritaniens avaient été
chassés de leur pays, il fallait poser la question à ceux qui les ont fait
partir ou à ceux qui les ont ramenés. Pour ce qui est des exactions
extra-judiciaires, l’ancien président du CMJD a expliqué que la police avait
procédé, à l’époque, à des arrestations et transmis les dossiers des prévenus à
la justice. S’il y a eu, par la suite, des morts, cela s’est passé en prison. Qui,
soit dit en passant, n’était pas gardée par la police. Il n’en faut pas plus
pour qu’une certaine presse et certaines officines, proches du pouvoir actuel à
qui l’ancien DGSN a déclaré la guerre, s’emparent de la question pour jeter Ely
à la vindicte populaire. Sans chercher à défendre un homme suffisamment outillé
pour s’y employer lui-même, il s’agit, juste, de rétablir la vérité. Ensuite,
Ely, qui n’est pas né de la dernière pluie, sait de quoi il retourne, en cette
affaire. Il n’est pas « fou » pour jouer au négationniste, sachant
son cousin de président et ses soutiens à l’affût de la moindre occasion pour tenter de l’abattre. Rien qu’en évoquant
la question, ses propos ont été déformés. En fait, il aurait dû être beaucoup
plus clair dans sa condamnation des événements douloureux qu’a connus notre
pays au cours de ces années de braise et ne laisser aucun doute sur sa position
pour éviter que ses détracteurs ne s’engouffrent dans la brèche. Les réactions ont
afflué de partout, même de ceux qui, en villégiature à l’étranger, n’ont même
pas écouté les propos, prononcés en hassaniya, sur les ondes d’une radio locale
dont le rayon d’action ne dépasse guère vingt kilomètres autour de Nouakchott.
Mais il ne faut pas les accabler. La propagande du pouvoir s’est emparée de la
question, dès la fin de l’interview, pour diaboliser l’ancien chef d’Etat qui
« refuse de reconnaitre que des mauritaniens ont été expulsés en
1989 » (sic). Comme en écho, « l’info » a fait, en quelques clics,
le tour du Net et rares sont ceux qui ont pris le temps de vérifier la source.
En réaction à ces « propos », une
fantomatique « Initiative pour l’Unité Nationale » – ça ne s’invente pas, ce genre de slogan,
dans la Mauritanie
nouvelle – a vu le jour, ce samedi 9
juin, à Nouakchott. Présidée par Bâ Bocar Soulé, ancien ministre d’Ould Taya,
elle a eu droit à une large couverture médiatique dans le journal télévisé du
même jour. Bâ Soulé en a profité pour condamner les propos d’Ely qui
« déconstruit alors qu’Ould Abdel Aziz construit » (re-sic !). Si
ceux-ci étaient avérés, il y a vraiment de quoi s’offusquer mais est-il
possible d’avoir une mémoire aussi sélective et aussi courte ? Comment Bâ
Soulé et ceux qui gravitent autour de lui, pour applaudir Ould Abdel Aziz,
peuvent-ils être aussi frileux lorsqu’il s’agit de simples paroles et s’être
faits tout petits, lorsque les frères, cousins, parents et amis étaient
déportés, emprisonnés, torturés et tués, en plein jour, par celui-là même avec
ils collaboraient et qu’ils accueillaient, à bras ouverts, dans cette vallée de
larmes meurtrie par ses propres hommes ?
Une nouvelle fois, Ould Abdel Aziz étale son
complexe d’infériorité vis-à-vis d’un cousin qu’il semble craindre comme la
peste. C’est évidemment son droit d’étaler ses petits problèmes personnels sur
la place publique. Mais cela grandit d’autant moins sa présidence qu’il
instrumentalise, à cette fin, l’unité nationale. Or, la question est trop
sérieuse pour s’embarrasser de querelles byzantines ou d’égocentrismes exacerbés.
De grâce, Président, ne soignez pas vos bobos d’amour-propre avec l’amertume
des déportés ! Contentez-vous d’assurer leur rapatriement et la qualité de
leur réinsertion au pays ; Il reste beaucoup à faire et il faut vous
souhaiter que c’est votre œuvre en ce sens qui sera retenue par l’Histoire et
pas vos mesquins démêlés familiaux.
Ahmed Ould Cheikh
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