dimanche 10 décembre 2017

Editorial: Tout nouveau, tout beau?

Le nouveau drapeau, cher à notre guide éclairé, a été enfin hissé le 28 Novembre, le nouvel hymne aussi chanté, la nouvelle ouguiya sera mise en circulation à partir du 1er Janvier prochain. La Mauritanie nouvelle est en marche. Militaire. Au forceps. Dans la douleur. Alors que personne n’en veut. Les sénateurs en premier, qui ont pris leur courage à deux mains pour dire non. Le peuple ensuite, en boudant les urnes, lors du referendum qui devait permettre son éclosion et qui ne fut qu’une mascarade sans nom. Elle verra le jour, malgré tout, « contre vents et marées », à l’instar de celle du Père fondateur. Sauf que l’avatar du « président-(re)fondateur » cher à l’humoriste Mamane sera l’exact opposé de sa matrice : divisé, écartelé, injuste et insipide. Feu Mokhtar ould Daddah faisait l’unanimité, par son charisme, son sens du sacrifice, sa vaste culture, sa diplomatie hors normes et son désintérêt pour les biens matériels. Il n’avait, en effet, ni comptes en banque garnis, ni marchés, ni banques, ni terrains bien placés, ni matériel de BTP à louer. Il avait fait don de sa personne à la Mauritanie. Faites la différence avec ce que nous endurons, depuis 1978 et, surtout, depuis 2008. Et vous verrez que c’est le jour et la nuit. Nous sommes devenus une république bananière où le chef a droit de vie et de mort sur nous, décide de tout et n’en fait qu’à sa tête. Il a multiplié notre dette à l’infini et s’apprête à diviser notre monnaie par dix, tout comme ses promesses électorales. Une autre façon de nous tourner en bourrique, en dévaluant l’ouguiya en douce, conformément aux injonctions du FMI. Mais la pilule sera d’autant plus dure à avaler que le pouvoir d’achat est largement érodé, les salaires stagnent et les prix flambent. Si l’on ajoute, à ce sombre tableau, l’implacable sécheresse, la situation risque de ne pas être de tout repos, pour un pouvoir largement décrié. Et qui ne tente, en rien, de remonter la pente. Au contraire, il multiplie ses ennemis, à l’intérieur et à l’extérieur. A couteaux tirés avec les sénateurs, les journalistes, les syndicalistes et tout un peuple à qui il n’offre ni enseignement de qualité, ni système de santé fiable, encore moins de justice sociale. Il ne s’entend avec aucun de ses voisins immédiats. Pire, il se permet même de divulguer, à travers les réseaux sociaux, des messages où l’on entend des chefs d’Etat étrangers discuter avec un membre de son opposition en exil. Une monumentale erreur diplomatique qui risque de lui porter un grave préjudice et écorner un peu plus son image. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il a boudé l’important sommet UE/Afrique qui vient de se tenir à Abidjan. Il se déplaçait pourtant pour beaucoup moins que ça. Notre diplomatie, vous dis-je, n’est plus ce qu’elle était.
Quelles perspectives, alors, pour un pays à bout de souffle, endetté jusqu’à la moelle et dont les principales sources de devises se réduisent comme peau de chagrin ? Le gaz en 2020-2021 sur lequel se fondent, désormais, tous les espoirs ? Comme le gisement pétrolier de Chinguitti, il risque de n’être, lui aussi, qu’une (nouvelle) chimère. Le Sénégal et la Mauritanie, qui se partagent le champ gazier de Tortue, n’ont toujours pas signé l’accord sans lequel la compagnie BP ne pourra démarrer la mise en place des installations, en vue  de son exploitation. Le Sénégal, sur lequel la France exerce une énorme pression pour ne pas signer, ne fait pas montre de trop d’empressement. Il détient déjà un champ équivalent, Yakaar, dont l’exploitation commencera au cours des prochaines années, ainsi qu’un autre, de pétrole celui-là (dénommé SNE), et qui produira 125.000 barils/jour. Mais pourquoi, vous demandez-vous, la France interviendrait-elle dans ce dossier ? Parce qu’elle reproche, à Ould Abdel Aziz, d’avoir exclu Total, de traîner les pieds, dans la mise en place de la force conjointe du G5 Sahel, et de lui avoir fait faux bond, lors de l’opération Serval, en 2013, au Mali. De quoi irriter l’ancienne puissance coloniale qui voit toujours d’un mauvais œil qu’un membre de son pré carré pépie à son gré. Bref, aussi nouvelle qu’elle paraisse, la Mauritanie d’Ould Abdel Aziz n’a pas la côte du marché. Et végète ce faisant, dans nos pires travers nationaux : vue courte, opportunisme au jour le jour, repliement identitaire et tout le tintouin pour le triomphe programmé de la zizanie… Tout nouveau, peut-être, mais tout beau, il n’y a que les autruches, la tête bien enfoncée dans le sable, pour en frétiller d’aise.
                                                                                              Ahmed Ould Cheikh

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