dimanche 5 janvier 2014

Editorial: Peaux de banane…

Notre guide éclairé n’est pas content. Mais alors, pas du tout. Et il le fait savoir. La défaite de son parti à Guérou l’a fait sortir de ses gongs. Ni celle de Rosso, encore moins celle de Tintane n’ont eu autant d’effet sur l’Auguste. A croire qu’il avait des liens particuliers avec le député sortant de cette ville et qu’il voulait le faire passer à tout prix. C’est tout juste si lui-même n’est pas descendu sur le terrain, pour lui donner un coup de main. Ou envoyé le BASEP. Il a mobilisé ses soutiens, dépêché renfort sur renfort, imposé, à son Premier ministre, de s’investir, pour faire avaler Slama aux Guérois. Mais la pilule était trop amère. Et elle n’est pas passée, malgré tout ce tintouin. L’une des figures de proue du bataillon des députés, qui avaient soutenu, mordicus, le coup d’Etat contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en 2008 – une aberration dans une démocratie mais on n’en est pas à une près – Slama cristallisait beaucoup de mécontentements à Guérou, une ville dont il n’est pas originaire et qu’il n’avait plus revue, depuis son élection en 2006. Après avoir, difficilement, passé le cap du premier tour, il allait avoir toutes les peines du monde au second, face à une liste de Tawassoul pour laquelle allaient voter tous ceux, et ils sont nombreux, qui ne voulaient pas le voir rempiler. Résultat des courses : Slama a mordu la poussière.
C’en était trop pour Ould Abdel Aziz. Il fallait laver cet affront. On ne désobéit pas aux ordres du chef, sans risque de représailles. Trois cadres natifs de cette ville feront les frais de l’ire présidentielle. Ils seront dégommés sans autre forme de procès, accusés de n’avoir pas soutenu le candidat-notaire d’Aziz. D’autres suivront, dans les jours qui viennent. A moins que la colère ne soit retombée, d’ici là. Dans son infinie sagesse, notre génie du désert sait ne pas être rancunier, surtout à la veille d’une élection aussi majeure que la présidentielle pointant à l’horizon. Et pour laquelle il aura besoin des voix de tous, pour ne pas risquer une désagréable surprise comme celle de Guérou. Surtout si, d’ici quelques mois, l’opposition, à l’issue d’un nouveau dialogue, décide de prendre le train en marche et de présenter un seul candidat, interne ou externe, pour défendre ses couleurs. Les dernières élections, quoique tronquées, ont démontré qu’il n’y a plus de chasse gardée et que tout bastion est prenable. Il suffit de voir l’excellent résultat réalisé, par Tawassoul, à l’Est, pour se rendre à l’évidence. Jadis bastion imprenable du parti au pouvoir, cette zone s’est, désormais, affranchie de la tutelle de ses petits roitelets qui la monnayaient au plus offrant.
Certes, le parti/Etat est encore majoritaire dans le pays. Mais il a, largement, profité de l’absence de l’opposition radicale, donc de rivaux sérieux, sur le terrain, capables de lui apporter la contradiction et de frapper là où cela fait le plus mal. D’ici juillet et la présidentielle, beaucoup d’eau coulera sous les ponts. Et il faut être devin pour imaginer dans quelle configuration cette élection aura lieu. S’il semble évident que la « mystique du chef », ‘’ouguiyettement’’ motivée, puisse encore jouer en faveur d’Ould Abdel Aziz, de nouveaux paramètres, coalisant problématiques raciale et sociale, mécontentements politiques et économiques, crises identitaire et institutionnelle, sont en passe de bouleverser les fondements d’un régime largement héritier de celui d’Ould Taya. Six mois suffiront-ils pour rectifier la rectification ? Qui eût cru que la Mauritanie se révélât, un jour, autant pavée de peaux de banane ?  
                                                                                                     Ahmed Ould Cheikh

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