mardi 14 janvier 2014

Editorial : Le fond(s) qui manque le plus



La semaine dernière et trois jours durant, on ne parlait que de ça. La télévision de Mauritanie en fit ses choux gras, la presse, ses gros titres. C’était le thème central de toutes les discussions de salon. On glosait sur la contribution de telle société, de telle banque, de tel homme d’affaires. Et l’on suivait, avec délectation, le chiffre qui gonflait peu à peu. Ça, c’était le téléthon au profit des Mourabitounes. Pourtant, selon Wikipédia, « un téléthon, contraction des mots télévision et marathon est un programme télévisuel de 30 heures dont le but est de recueillir des fonds pour une œuvre caritative. Un concept apparu aux États-Unis, dans les années 1950. Habituellement, de nombreux artistes (chanteurs, musiciens, comédiens) soutiennent la cause et appellent le public à faire des dons. » Au lieu de trente heures, le nôtre a duré trois jours et n’était, surtout, nullement destiné à une œuvre caritative. Aucun artiste ni aucun comédien ou chanteur n’est venu égayer un plateau monotone où l’on défila pour se faire voir et, dans un élan de générosité le plus souvent feinte, contribuer aux prochains – il n’est pas interdit de rêver – succès de notre équipe nationale. Dont la campagne de préparation au  CHAN vient de s’achever, face à l’équipe d’Ouganda, avec un cinglant 0-3.
Pendant trois jours, donc, des ministres, des députés (nouveaux et anciens), des banquiers, des officiers représentant leurs corps, des directeurs de société et des citoyens tout-à-fait ordinaires ont crevé le petit écran. Ils tenaient, non seulement, à ce qu’on les voie mais, aussi, à ce qu’on annonce le montant de leur contribution. Alors que le téléthon est censé être anonyme, c’était la course à celui qui donnerait le plus. Sans doute pour plaire à l’auteur de cette géniale idée. Qu’on aurait dû appliquer bien avant, pour aider les victimes d’inondations, réhabiliter des écoles, réaliser des infrastructures dans des coins reculés du pays ou toute autre activité caritative ou d’intérêt général. Au lieu de le jeter par la fenêtre. Ce n’est pas parce qu’on a battu une modeste équipe du Sénégal qu’on doit déjà s’imaginer un destin africain. Et puis, tout compte fait, le gouvernement ne prétend-il pas que les caisses sont pleines ? A quoi servira cet argent, si l’on ne peut financer la préparation d’une équipe nationale et prendre en charge ses frais de voyage, lors des éliminatoires de la future Coupe d’Afrique des Nations ? En un mot, pourquoi mendier, quand on a les moyens ?
De deux milliards visés au départ, le téléthon n’a pu en engranger que 600 millions. Les temps sont durs, même pour le président qui, puisant dans son mois de salaire « symbolique » – notre président des pauvres touche, quand même, plus de sept millions et demi de nos ouguiyas, par mois, et est entièrement pris en charge par le contribuable – n’a pu se fendre que de cinq millions. Le libellé de son chèque à la Société générale exhibé fièrement à la télévision – publicité (gratuite ?) pour une banque étrangère – comprenait deux fautes grossières : fonds sans s et football en deux mots. Un site local vient pourtant de commettre un reportage sur l’enfance, à Darou Mousty au Sénégal, de notre bien-aimé guide. L’enquête nous apprend, entre autres, qu’Ould Abel Aziz fut toujours premier de sa classe, durant tout le primaire. Il n’avait peut-être pas l’orthographe au programme.
                                                                                                   Ahmed Ould Cheikh

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