dimanche 25 août 2013

Editorial : Narcisse, en son miroir…


Pour la quatrième année d’affilée, nous avons eu droit au show présidentiel du mois d’août. Après Atar, l’année passée, c’est à  Néma, cette fois,  qu’Ould Abdel Aziz s’est produit.  Rien n’a été négligé pour la réussite du spectacle. Le ministère de la Communication a mis les petits plats dans les grands, la TVM a mobilisé tous ses moyens,  les notables et élus de la région n’ont dormi que d’un œil, pendant près d’un mois. Le Jour J, on se croyait au milieu des années fastes de Maaouya, lorsque toute la République se déplaçait avec son chef. Ce qui, paradoxalement, avait perdu celui-ci. Pas un seul de ceux qui l’accueillirent,  applaudirent, coururent derrière sa voiture, crièrent leur soutien, ne  descendit dans la rue, le jour d’après, pour dénoncer son éviction ou exiger son retour.  Aziz, aux premières loges à ce moment-là, serait bien inspiré de ne pas oublier cette triste réalité. Mais le pouvoir, dit-on, rend aveugle. Notre guide éclairé – puissamment par les feux de la rampe – multiplie, ces derniers temps, les « visitations » : serait-il Narcisse en train de tomber sous son propre charme ?
La fête pouvait donc commencer. Par un étalage de chiffres. Plus d’une heure de cours, magistral, sur les différents volets de l’économie.  D’une monotonie à vous dégoûter de la télévision, pour le restant de vos jours.  Des chiffres tous plus bons les uns que les autres. Avec, à la clé, une Mauritanie transformée en paradis terrestre, en 2013, grâce eux effors d’un super-héros qui a réduit le train de vie de l’Etat, lutté contre la gabegie et la pauvreté, assaini les finances publiques, construit des routes et des centrales électriques. « Pourtant », lui fait remarquer un journaliste, « malgré ces milliards censés aider les pauvres à sortir de la misère,  plus de 23% des Mauritaniens vivent en-deçà du seuil de l’extrême pauvreté, contre 2% au Maroc et 1% en Tunisie. – Ce ne sont que des chiffres », rétorque l’imbu. Mais avec quoi nous avait-il, lui, assommés, pendant plus d’une heure ?  « Le Ghanagate ? – Un enregistrement qui date de 2006 et puis, c’est un montage… ». L’art d’avouer et se dédire, en une seule phrase.  Il reconnaît également, au passage, qu’il a déjà réalisé deux coups d’Etat, alors que le second n’était, à ce jour, qu’une « rectification », dans la phraséologie officielle. Et de nous révéler, en vrac, qu’il a subi qutre opérations chirurgicales, suite à la balle « amie » ; qu’il se porte à merveille, physiquement et moralement ; que les élections ne peuvent être reculées que de deux à trois semaines ; que l’IGE ne contrôle que ses soutiens, alors qu’aucun cadre de l’opposition n’occupe de haute fonction ; et que, last but no least, aucun membre de son entourage ne s’est enrichi, depuis que lui, Omar Ibn Abdel Aziz, est au pouvoir.  Il a, peut-être momentanément, oublié qu’il s’adressait à des Mauritaniens dont la grande majorité connait très bien qui a quoi et comment il l’a obtenu.
Pour éviter le piège, Ould Abdel Aziz aurait dû éviter de s’aventurer sur ce terrain.  Un problème qui n’a pas de solution n’est plus un problème, chantait Alpha Condé, si ma mémoire est bonne.  Pour paraphraser, on peut dire aussi qu’en communication,  une question qui n’a pas de réponse n’est plus une question.  Il faut donc la zapper. Un exercice périlleux mais facile à réussir.  A condition d’être entouré de bons conseillers et de savoir choisir les mots justes.  Ou encore, à défaut de cette paire de manches, une confiance absolue en son miroir…
Ahmed Ould Cheikh

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