jeudi 16 février 2012

Editorial : Bonnet blanc et blanc bonnet

Le président tunisien Moncef Marzouki est arrivé, vendredi dernier, à Nouakchott, en visite officielle, pour tenter de remettre l’Union du Maghreb Arabe (UMA) sur les rails. Le militant des droits de l’Homme, l’infatigable opposant au régime de Ben Ali, connait bien la Mauritanie, pour y avoir séjourné plusieurs fois, au gré de ses pérégrinations. Chassé de son pays et pourchassé par les sbires du régime. Avant que le dictateur ne soit emporté par le premier souffle du printemps arabe et que, lui, ne soit appelé aux affaires pour diriger la transition vers une démocratie pluraliste. Car l’homme a fait l’unanimité, au sein de la classe politique et de la société civile, les militaires ayant décidé de rester en dehors du jeu. Ils ont de la veine, les Tunisiens, d’avoir une armée à qui l’on offre le pouvoir sur un plateau et qu’elle refuse de goûter. Contrairement à la nôtre qui s’y est incrustée, en 1978, et ne veut plus s’en défaire, hormis une courte parenthèse de quinze mois qu’elle a, vite, refermée.
Pourtant, ce n’est pas parce qu’on a des armes et des munitions qu’on a droit de vie et de mort sur un pays. En principe, l’armée a pour mission d’assurer la sécurité du pays et de défendre son intégrité territoriale. Mais, en Mauritanie, elle le fait si mal qu’elle s’est découvert une autre vocation : la politique. Deux exemples suffisent à argumenter amplement le constat. La guerre contre le Polisario : perdue ! Quelques miliciens sahraouis nous ont assénés tant de coups que les chefs de l’armée n’ont eu d’autre ressource que de renverser le président de la République, pour se retirer, sur la pointe des pieds, d’un territoire dont la conquête avait pourtant coûté cher au pays.
La guerre contre AQMI ? Pour ne pas saper le moral de la troupe, ne dites, surtout pas, qu’elle est perdue d’avance. Ne parlez pas des attaques meurtrières de Lemghaity, de Tourine, d’El Ghallaouiya et de Hassi Sidi, au cours desquelles des barbus armés ont fait des ravages, dans une armée bien entraînée, bien équipée et dont les chefs maîtrisent les moindres techniques de combat, rapproché ou lointain. Le pays est si bien quadrillé que personne ne peut enlever des touristes sur la route de Nouadhibou et leur faire traverser tout le territoire, sans être inquiété ; aucune voiture ne peut quitter le Mali et venir exploser, aux confins de Nouakchott, au nez et à la barbe de nos valeureuses forces de sécurité. Depuis un certain 6 août 2008, notre armée – et pas seulement elle, d’ailleurs – est trop bonne pour le service. Ses généraux et colonels ne se comptent plus. Laissant carte blanche, à ceux-ci, en matière de gestion, Ould Abdel Aziz distribue, à sa guise, les grades. Les deux machins que sont l’IGE et la Cour des comptes, c’est pour les seuls civils. Un militaire ne se laisse pas facilement tripoter les poches. Surtout pas par un civil qui n’a jamais rien compris à la Grande Muette. Même les déjà retraités ont droit aux bontés du président qui, décidément, n’arrive toujours pas à se défaire de sa toque de général. Dix-huit sociétés de gardiennage, constituées de militaires à la retraite, auront droit, chacune, à un prêt de cinquante millions d’ouguiyas, gracieusement accordé par la Caisse de dépôt et de développement, sans garantie, au taux imbattable de 6% l’an, avec une période de grâce d’une année. Neuf cents millions de nos ouguiyas partiront, ainsi, en fumée. Mais rien n’est de trop pour nos valeureux soldats. Actifs ou retraités, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Gardiens, propriétaires et bénéficiaires de l’ordre. C’est logique. Mais ce n’est ni juste ni, encore moins, incontestable…
Ahmed Ould Cheikh

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