jeudi 17 mars 2011

Editorial : En filigrane, encore…

Au moment où le roi du Maroc annonçait, dans un discours solennel, de grandes réformes visant à transformer, au cours des toutes prochaines années, le royaume chérifien en véritable monarchie constitutionnelle et où le président yéménite, débordé de toutes parts, annonçait que, prêt à former un gouvernement d’union nationale, il ne se présentera, en tout cas pas, à la prochaine élection, la Mauritanie décrétait une énième augmentation des prix des hydrocarbures, exprimait sa solidarité avec Kadhafi et réprimait des manifestations de jeunes qui réclamaient un meilleur avenir. Comme si notre président, plus préoccupé à régler le problème ivoirien (et, bientôt, libyen) qu’à se soucier du quotidien des Mauritaniens, voulait nous narguer: les prix continueront à augmenter et ceux qui osent protester le feront à leurs risques et périls. La police est là et veille au grain. L’effet boule de neige du tsunami tunisien, connais pas ! La Mauritanie n’est-elle pas une démocratie qui a fait sa révolution (militaire ?) en 2008 ? Et ce n’est pas parce que le roi Abdallah a débloqué des milliards de dollars, que celui du Maroc a annoncé des réformes ou que le président Ali Abdallah Saleh a fait machine arrière, pour éteindre ou éviter les foyers de contestation, que notre guide éclairé va, pour autant, accepter d’être conciliant. Ou, au moins, prévoyant. Une des règles, essentielles, de la vie est, en effet, de tirer profit de l’expérience des autres, en évitant de tomber dans les mêmes pièges.
A ce sujet, une rumeur, insistante mais démentie par la COD, avance qu’Ould Abdel Aziz aurait, du bout des lèvres, proposé, à l’opposition, d’entrer au gouvernement. Histoire de calmer la rue et de ne pas porter, tout seul, le chapeau de la banqueroute vers laquelle le pays s’achemine, à grands pas. Ould Daddah et Ould Maouloud, échaudés par les expériences passées (reconnaissance du coup d’Etat du 6 août 2008 et accords de Dakar), auraient, poliment mais fermement, décliné l’offre. Flairant un coup fourré, ils auraient senti, rapidement cette fois, que le président voudrait les utiliser, pour se tirer de ce mauvais pas, avant de leur tourner, une fois de plus, le dos, et lui auraient fait, en retour, une proposition radicale: organiser une élection présidentielle anticipée et se retirer. Un remède de cheval qui ne serait probablement pas du meilleur goût, pour lui. Mais qui aurait l’avantage d’éviter, au pays, des lendemains qui pourraient mettre à rude épreuve sa stabilité.
Canular ou pas, «l’info» illustre un état d’esprit grandissant parmi la population. Il ne suffit pas de se voiler la face pour effacer la réalité. La Mauritanie n’est pas en dehors du monde et son peuple aspire à plus de justice, à plus d’équité, à une démocratie non octroyée et à une véritable liberté. La question est, à présent, de savoir comment atteindre ces objectifs. Sans trop de dégâts et en évitant tout retour en arrière. Voilà l’enjeu, en filigrane encore, de nos mauritaniennes velléités de changement... Il serait peut-être sage, messieurs les politiques, de ne pas parier sur la pérennité de cette discrétion.
Ahmed Ould Cheikh

1 commentaire:

  1. Bravo, Ahmed. Belle présentation, instrument divertissant de travail. Il n'est pas étonnant qu'un peuple aussi lettré et fervent d'esthétique en écriture à tous égards produise très bien dans le genre qu'ont illustré, en francophonie, Rivarol, Victor Hugo, grands ancêtres beaucoup suivis : la polémique et la réflexion politique sur le temps et sur les gens.

    Vous y excellez. Et vous savez aussi animer une équipe et la susciter, avec autorité et souplesse.

    Ad multos annos.

    Vôtre,
    Bertrand Fessard de Foucault, alias Ould Kaïge

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