mardi 18 janvier 2011

Editorial : En attendant la prochaine secousse…

Le président tunisien, Zine El Abidine Ben Ali a pris la fuite, pour aller se terrer, comme d’autres dictateurs avant lui, dans un pays du Golfe et un exil doré, laissant son pays à feu et à sang. Sous la pression de la rue et malgré trois discours en moins d’une semaine, au cours desquels il aura tout promis, le président tunisien a quitté le navire, avant qu’il ne sombre. Le comble de la lâcheté pour un capitaine. Pourtant, il y a un mois, personne ne pouvait imaginer que le peuple tunisien, façonné par près de cinquante ans de dictature et de pouvoir personnel, dont plus de vingt sous la botte d’un régime de terreur, pouvait se lever, comme un seul homme, et dire : ‘‘Non ! On en a assez !’’ Les images de manifestants, bravant les balles, les matraques et les grenades lacrymogènes d’une police rompue à toutes les techniques de répression, diffusées en boucle par les chaines satellitaires et à travers le Net, ont démontré, comme si l’a si bien dit le grand poète Abou El Ghassem Chaabi, que si le peuple veut vivre, les chaînes, inéluctablement, se briseront.
Maintenant qu’un dictateur est parti, à qui le tour? Le moins qu’on puisse dire est que les candidats ne se bousculent pas au portillon. Mais de ça, le peuple n’en a cure. Les ingrédients d’une nouvelle explosion populaire ne manquent, malheureusement, dans aucun pays arabe. La prise du pouvoir, par un coup d’Etat militaire ou médical, des élections n’ayant de démocratique que le vernis qui les entoure, l’injustice sociale et la délation, instaurées en méthode de gouvernement, les méthodes policières, le flicage des opposants, l’enrichissement des proches, grâce aux leviers du népotisme et du favoritisme, le chômage des jeunes, la hausse des prix et la démission de l’Etat, face aux gros bonnets de la finance et du commerce, sont autant de facteurs d’instabilité potentielle.
Toute ressemblance avec la Mauritanie est, évidement, fortuite. Notre pays n’a jamais connu de coup de force pour porter son auteur au pouvoir; sa démocratie est parfaite, à tout point de vue; aucun commerçant, grand ou petit, ne peut y augmenter les prix à sa convenance; notre police (a)politique n’a jamais fait de mal à une mouche; une véritable justice y règne, les jeunes trouvent du travail dès la fin de leurs études; aucun proche de notre guide éclairé ne peut se prévaloir de ce titre pour bénéficier de la moindre promotion, marché ou faveur quelconque. La majorité qui nous gouverne le fait tellement bien qu’elle n’a pas le temps de verser dans les discours du genre: l’opposition, «un groupe d’adeptes de la surenchère et de la désinformation» qui «privilégie le mensonge» et fait de «la politique politicienne, en insistant sur la flambée prétendument vertigineuse des prix».
Des individus malintentionnés, évidemment de mauvaise foi, viendront nous dire que ce qui s’est passé en Tunisie est contagieux. Avec autant de «bonnes» choses et de réalisations «grandioses», la Mauritanie peut dormir sur ses lauriers et son président, sur ses deux oreilles. En attendant la prochaine secousse…
Ahmed Ould Cheikh

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