dimanche 8 juillet 2018

Editorial: Franc succès

Clap, clap ! Applaudisseurs  de tout le pays, unissez-vous ! Après celui de la Ligue arabe, notre pays a organisé, « avec succès », le Sommet de l’Union africaine. Notre guide éclairé a démontré, à la face du Monde, que la Mauritanie sait recevoir et ne rechigne pas sur les dépenses… inutiles. Vingt milliards, au bas mot, partis en fumée ! Pour, entre autres, un Palais des congrès qui a toutes les chances de rester vide, toute l’année. Vingt milliards pour qu’une vingtaine de chefs d’Etat africains viennent, pince-sans rire, débattre de la corruption.  L’hôpital qui se moque de la charité, en quelque sorte. Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques questions, toutes simples, méritaient d’être posées.  L’antre qui les a hébergés a coûté combien, a été attribué à qui et selon quelle procédure ? Et les dizaines d’autres marchés, petits et grands, auxquels ce genre de cirque donne lieu, qui en a hérité ? Toujours les mêmes, direz-vous, et vous aurez raison. Le pays est désormais en coupe réglée. Plus rien n’échappe à la boulimie ambiante. Pas même un trait blanc, sur une chaussée, ou des fleurs à planter, sur un rond-point. Et l’on viendra, ensuite, nous dire que la lutte contre la gabegie est un indéniable succès ou que la corruption a « sensiblement » reculé. On se permet même de recevoir un sommet qui débattra de cette problématique qui fait que notre continent reste à la traîne, incapable de profiter de ses ressources,  par la faute des clans mafieux qui le dirigent. Des débats peu propices à faire le buzz, donc.
 Il fallait donc trouver autre chose, pour ameuter l’opinion internationale. Sur France 24 (encore un média étranger), Ould Abdel Aziz s’y est employé, en sortant sa panoplie habituelle. « Je ne me présenterai pas en 2019 ». L’évidence même. « Des gens à quatre mille-cinq mille kilomètres… carrés (tiens, tiens : lapsus révélateur…) n’ont pas à nous donner des leçons », allusion à la commission des Droits de l’homme des Nations Unies exigeant la libération immédiate du sénateur Ould Ghadda, victime de détention arbitraire. « Notre justice est indépendante et c’est elle qui doit décider de son sort », enchaîne-t-il. Pourquoi alors, dix mois après la fin de l’instruction, n’a-t-elle toujours rien décidé ? Pourquoi le Parquet garde-t-il toujours le dossier et refuse-t-il de le renvoyer au juge, si on ne le lui a pas ordonné ? Comment onze ans après un jugement condamnant un certain Marc d’Hombres, devenu, entretemps, fréquentable puisque trésorier d’une association qui veut lisser l’image d’Aziz en France – tout un programme… – la justice se réveille-t-elle, subitement, déterre le dossier et casse le jugement ? Le tout en deux jours ! Une célérité qui ferait pâlir d’envie les meilleures juridictions du Monde. Mais toujours pas de quoi, là encore, exciter les media.
Ould Abdel Aziz a donc jeté un énorme pavé dans la mare, en titillant le problème du Sahara. Et déchaînant, illico, l’ire de la presse marocaine, généralement très sensible à cette question. « Le peuple sahraoui vit une situation dramatique », a-t-il larmoyé mais… soigneusement oublié de préciser  de quel  peuple parlait-il. Celui du Sahara occidental ou des camps de Tindouf ? Une sortie qui a piqué au vif le ministre marocain des Affaires étrangères, déjà irrité de n’avoir été accueilli que par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, alors que le ministre se trouvait à l’aéroport. Réplique immédiate : « La question du Sahara ne concerne que les Nations Unies ». Messieurs de l’UA, vous pouvez baratiner autant que vous le voulez, constituer une ou plusieurs commissions, si ça vous chante, le Maroc ne traitera cette affaire qu’avec l’envoyé spécial de Gutteres. Nasser Bourita a été ferme. Mais l’important n’était pas là. Yahoo s’est fait l’écho des propos du président mauritanien. CQFD : le Sommet a été un franc succès.
                                                                   Ahmed ould Cheikh

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