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Juillet 1978-10 Juillet 2015 : trente-sept ans que nous vivons sous la
botte de militaires censés nous protéger et nous défendre. Trente-sept
ans de ténèbres, juste entrecoupées d’une légère éclaircie, entre 2007
et 2008, avant qu’ils ne reviennent au galop, pour re-confisquer le
pouvoir qu’ils avaient confisqué en 1978. Officiellement le premier
« redressement national » – il y en aura beaucoup d’autres après –
opéré, au petit matin du 10 Juillet de cette année-là, visait à sortir
le pays de la guerre du Sahara, relever l’économie et mettre en place
des institutions démocratiques. Le seul acquis « véritable », si l’on
peut le qualifier ainsi, vu la façon dont il a été négocié, fut la
sortie, sur la pointe des pieds, d’une portion de territoire arrachée au
prix du sang. On sait ce qu’il advint du redressement économique. Le
laisser-aller, la prévarication, la gabegie et le détournement des
deniers publics, qui étaient l’exception, sont devenus la règle d’or de
nos képis étoilés. La gestion rationnelle des ressources, la probité et
le respect de la chose publique, qui prévalaient jusqu’à leur avènement,
sont rapidement passés au rang de souvenirs ressassés par quelques
nostalgiques. Ne parlons pas de démocratie. Le comité militaire avait,
entre ses mains, l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Aucune
liberté garantie et la prison, lot quotidien de tous ceux qui osaient
dire un mot ou donner un avis sur la médiocrité ambiante. Il aura fallu
attendre quatorze ans pour qu’un semblant d’institutions démocratiques
voie le jour. Et c’est contraints et forcés, par la Communauté
internationale, que les militaires acceptent alors de lâcher du lest, en
autorisant les partis politiques et en accordant la liberté de presse.
Ils ne quittèrent pour autant pas le pouvoir. Appliquant la sentence de
Jacques Chirac – « En Afrique, les élections ne sont organisées que pour
être gagnées » – ils maintiendront l’un des leurs au pouvoir durant
vingt-et-un ans. Puis, sentant que l’autorité de Maaouya commençait à
s’effilocher et que la situation pouvait leur échapper, ils le
renversent, en 2005, organisent une transition de deux ans, cooptent un
civil pour lui remettre le pouvoir, en 2007, avant de revenir en force
seize mois plus tard. Et un nouveau cycle commence. De vingt-et-un ans ?
Comme avec Maaouya ? Ce qui est sûr, c’est que l’actuel locataire s’est
déjà présenté à deux élections. Au terme de son second mandat, en 2019,
il aura cumulé onze ans de pouvoir. Deux élections de plus et les
vingt-et-un ans seront bouclées. Même si la Constitution limite les
mandats à deux, rien ne l’empêche de la piétiner, comme en 2008,
lorsqu’il renversa un président démocratiquement élu. Les militaires et
la démocratie, c’est une longue histoire d’incompréhension. Que dit
l’article 1 du règlement militaire ? Que le chef a toujours raison. Et
s’il n’a pas raison ? Voir l’article 1. Au moins, cela a le mérite de la
clarté. Même si la prouesse s’accommode mal du jeu démocratique où le
chef ne l’est que grâce à l’onction populaire, le temps d’un mandat.
Quand nos militaires auront, enfin, assimilé cette idée, le pays aura
accompli un pas de géant sur la voie de la démocratie véritable. Mais,
de la coupe aux lèvres… Nos étoilés et leurs laquais auront pourtant
bien bu, vendredi soir, pour fêter leurs trente-sept ans. C’était moins
la fête, ailleurs, notamment dans les kebbas et les adwabas…
Ahmed Ould Cheikh
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