Notre
guide éclairé l’a dit et répété, la semaine dernière. Ici, lors d’un
passage à l’agence Tadamoun ou là, dans un centre de formation
professionnelle. Le genre de déclarations qu’on provoque à l’occasion
d’une visite pas si inopinée que cela, dans une structure de l’Etat. Un
journaliste du service public est commis pour poser la « bonne »
question, au moment où le Président achève son parcours et sort,
attendant qu’on lui tende le micro. Commence alors un long monologue où
le rectificateur en chef délivre son message sur l’actualité chaude du
moment. Cette semaine, c’était, encore une fois, la gabegie et le
détournement des deniers publics qui étaient « à l’honneur », deux
thèmes chers à notre leader maximus. Question d’autant plus brûlante que
plusieurs milliards d’ouguiyas viennent de s’envoler des caisses du
Trésor public, à Nouadhibou, Aioun et Néma, et de celles de la SOMELEC, à
Kiffa, Sélibaby, Akjoujt et Rosso. Durant quelques années, des
percepteurs et caissiers indélicats ont fait main basse sur ces
rondelettes sommes, sans que personne n’y trouve à redire, malgré des
trains de vie des plus fastidieux, sans commune mesure avec les revenus
modestes de ces fonctionnaires.
La « bonne » question du jour n’avait, on l’espère, rien à voir avec les organismes visités. Elle portait, en effet, sur la Journée mondiale de lutte contre la corruption. Et Ould Abdel Aziz d’y répondre avec volubilité, sans crainte des répétitions et redondances qui faisaient, ici, office de clous à marteler : « La lutte contre la gabegie et la corruption sera poursuivie dans le pays […] Notre combat contre la gabegie n'est pas un slogan […] Nous continuerons à lutter contre la gabegie, la corruption et le détournement des deniers publics et les lois se rapportant à ce sujet seront appliquées à tous, avec toute la rigueur requise […] ».
Tremblez, prévaricateurs ! Ceux qui ont été pris la main dans le sac seront punis, selon les lois de la Mauritanie nouvelle : ils ne rembourseront pas une ouguiya, resteront quelques mois ou années en prison, comme d’autres qui les ont précédés et se retrouveront libres comme l’air, sur intervention d’un général, d’un gros bonnet ou d’un chef de tribu. Peut-être même que ce laxisme a encouragé certains à tenter leur chance, provoquant cette saignée dont on n’est pas prêt de situer les débuts, encore moins les montants, le contrôle n’ayant concerné que les quatre dernières années.
Cela dit et quoique ce crime économique soit impardonnable, il n’est que l’arbre qui cache la forêt. La gabegie, ce n’est pas seulement piquer dans la caisse. C’est les nominations de complaisance, l’attribution de marchés de gré à gré, le trafic d’influence, pour obtenir des avantages indus, l’exclusion de cadres compétents, parce qu’ils ne sont pas du « bon » côté, la toute-puissance de la parentèle à laquelle aucun ministre ou directeur général ne peut rien refuser… C’est ce culte, généralisé, de l’argent avant tout, par-dessus tout, sans aucune considération de juste rémunération de compétences, travail bien fait, engagement tenu. La jeunesse soixante-huitarde des pavés parisiens clamait : « Ce que nous voulons ? Tout et tout de suite ! » Et certes : si la Mauritanie contemporaine en a fait son slogan, il est vrai qu’elle est fort jeune. Même si les plus acharnés à appliquer cette maxime ne sont pas tous nés, loin de là, de la dernière pluie…
Ahmed Ould Cheikh
La « bonne » question du jour n’avait, on l’espère, rien à voir avec les organismes visités. Elle portait, en effet, sur la Journée mondiale de lutte contre la corruption. Et Ould Abdel Aziz d’y répondre avec volubilité, sans crainte des répétitions et redondances qui faisaient, ici, office de clous à marteler : « La lutte contre la gabegie et la corruption sera poursuivie dans le pays […] Notre combat contre la gabegie n'est pas un slogan […] Nous continuerons à lutter contre la gabegie, la corruption et le détournement des deniers publics et les lois se rapportant à ce sujet seront appliquées à tous, avec toute la rigueur requise […] ».
Tremblez, prévaricateurs ! Ceux qui ont été pris la main dans le sac seront punis, selon les lois de la Mauritanie nouvelle : ils ne rembourseront pas une ouguiya, resteront quelques mois ou années en prison, comme d’autres qui les ont précédés et se retrouveront libres comme l’air, sur intervention d’un général, d’un gros bonnet ou d’un chef de tribu. Peut-être même que ce laxisme a encouragé certains à tenter leur chance, provoquant cette saignée dont on n’est pas prêt de situer les débuts, encore moins les montants, le contrôle n’ayant concerné que les quatre dernières années.
Cela dit et quoique ce crime économique soit impardonnable, il n’est que l’arbre qui cache la forêt. La gabegie, ce n’est pas seulement piquer dans la caisse. C’est les nominations de complaisance, l’attribution de marchés de gré à gré, le trafic d’influence, pour obtenir des avantages indus, l’exclusion de cadres compétents, parce qu’ils ne sont pas du « bon » côté, la toute-puissance de la parentèle à laquelle aucun ministre ou directeur général ne peut rien refuser… C’est ce culte, généralisé, de l’argent avant tout, par-dessus tout, sans aucune considération de juste rémunération de compétences, travail bien fait, engagement tenu. La jeunesse soixante-huitarde des pavés parisiens clamait : « Ce que nous voulons ? Tout et tout de suite ! » Et certes : si la Mauritanie contemporaine en a fait son slogan, il est vrai qu’elle est fort jeune. Même si les plus acharnés à appliquer cette maxime ne sont pas tous nés, loin de là, de la dernière pluie…
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