La campagne électorale est lancée. Depuis le
vendredi 6 juin à 0 heures. Dans une morosité totale. Si l’on excepte
Nouakchott – Tevragh Zeïna, devrais-je plutôt dire, les autres moughataas
pauvres ne semblent guère concernées par ce « sport de riches » – et
Kaédi où le président-candidat a entamé sa tournée, dans le reste du pays,
c’est comme si rien n’a changé. L’ambiance bon enfant, la ferveur partisane et
la bonne humeur, qui ont marqué les campagnes précédentes, sont, cette fois,
totalement absentes. L’absence de challengers sérieux, pour une élection gagnée
d’avance, a, sans doute, influé négativement sur l’engagement des militants et
autres « souteneurs professionnels ». Ould Abdel Aziz l’a d’ailleurs
bien compris, en s’attaquant, ouvertement, à l’opposition boycottiste,
« oubliant » ses rivaux de l’heure, auxquels il n’a adressé la
moindre pique. Le bon sens aurait bien voulu qu’il leur taille quelques petites
croupières, ne serait-ce que pour donner un semblant de crédibilité à un
processus à sa botte. Dont l’issue ne fait pas de doute mais dont l’enjeu
principal est le taux de participation. Ce n’est pas pour rien, d’ailleurs,
qu’Aziz a beaucoup insisté, dans son discours d’ouverture, sur la nécessité de
se mobiliser pour le vote. L’ombre du Forum National pour la Démocratie et
l’Unité plane sur la campagne. L’immense marche qu’il a organisée, la semaine
passée, sonne comme une alerte pour le pouvoir, désormais dans l’obligation
d’obtenir un taux de participation honorable. Ce qu’il ne semble pas avoir
compris. La mobilisation n’est toujours pas au point et le nerf de la guerre
est le grand absent de cette campagne. Habitués, par le passé, à voir l’argent
couler, à flots, avant toute élection, les Mauritaniens acceptent difficilement
d’en être sevrés. L’absence de la moindre conviction politique étant la
« qualité » la plus partagée, il faut délier les cordons de la
bourse, si l’on ne veut pas être jeté aux orties.
On évoque, pourtant, quelques milliards qui auraient
été collectés, auprès des banquiers et autres hommes d’affaires, toujours
prompts à se montrer généreux, chaque fois que le titulaire du Palais gris se lance
dans une campagne pour son élection, pour le Livre ou le Savoir pour tous. Deux
ou trois d’entre eux sont toujours aux premières loges, aux meetings du
président-candidat. On se demande d’ailleurs à quel titre. La démocratie,
ailleurs, préfère ne pas voir les argentiers qui la manipulent. Ici, ils
doivent s’exhiber, pour la motiver. Et l’arroser. Il ne restera plus qu’à
relever le taux de participation pour mesurer l’ouverture des vannes. Comme un
compteur SNDE. C’est simple, la politique en Mauritanie, ça coule de source…
Ahmed Ould Cheikh
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