dimanche 22 juin 2014

Editorial : Gangrène



Voila plus de dix jours que la campagne électorale pour la présidentielle du 21 juin est lancée. Et, mis à part quelques tentes dressées sur les principaux axes de Tevragh Zeïna, distillant toutes sortes de musiques, rien ne sort véritablement de l’ordinaire. On est loin des campagnes de 2007 et 2009, où il y avait une réelle concurrence. Même si l’on s’est rendu compte, par la suite, que ce n’était que du pipeau. Que les jeux étaient déjà faits. Que les vainqueurs étaient connus d’avance. Les campagnes n’étaient destinées qu’à endormir le petit peuple, lui faire croire qu’il existe une possibilité d’alternance et que notre démocratie est bien réelle. Mais, cette fois, rien de tout cela. Ni campagne digne de ce nom, ni débat, encore moins de démocratie. Juste un président-candidat à sa propre succession et de candidats prêts à jouer les faire-valoir. Hormis Biram, qui décoche quelques flèches empoisonnées (mais pas plus qu’il n’en faut) à destination d’Ould Abdel Aziz, les autres « prétendus prétendants » au fauteuil donnent l’impression qu’ils ne sont là que pour remplir une mission, boucler un parcours et attendre la suite. Seul le président-candidat essaie d’animer le débat, lors des meetings qu’il anime, au pas de charge, dans les chefs-lieux de régions. II ne manque pas une occasion d’encenser son œuvre, nous révélant, au passage, que la Mauritanie n’existait pratiquement pas avant 2009. Et de s’en prendre ouvertement à l’opposition, des « vieillards incapables », aux gabegistes, dont certains comptent, pourtant, parmi ses soutiens les plus farouches, et aux civils qui ont « bousillé » l’Armée, en y introduisant des idées politiques nocives.
Il semble avoir oublié que la plus grande manœuvre de sape de l’Armée fut entreprise sous Maaouya, de façon à ce qu’elle ne soit plus un danger, faisant sienne la célèbre adresse de Hassan II à ses officiers : « laissez la politique, enrichissez-vous ! » Aziz était, à ce moment, aux avant-postes et ne pouvait pas ne pas voir le degré de pourrissement qu’avait atteint la Grande Muette. Il a d’ailleurs fait, de son redressement, un de ses principaux chantiers, dès son accession au pouvoir. Dans quel but, pensez-vous, sinon en faire un pilier de son pouvoir. Mais la médaille a son revers. En prenant goût à l’argent facile et au confort, les officiers, qui voient l’argent couler à flots mais pas toujours dans leur direction, risquent d’avoir des idées vraiment nocives cette fois.
La pente semble fatale. Une fois exclu le jeu démocratique, le coup de force devient le seul mode de dévolution du pouvoir. Pour en minimiser les risques, il faut limiter la force des éventuels adversaires. Par l’oppression ou le pourrissement. Le premier terme de l’alternative – la privation des libertés – actuellement très déconsidéré par la « Communauté internationale », il ne reste plus que le second. Mais c’est une gangrène. Elle affecte tout le corps social et le développement, accéléré, de la délinquance, sous toutes ses formes, est le signe, indubitable, de l’avancée du mal. Vers quelles amputations Ould Abdel Aziz conduit-il la Mauritanie ? Au service de quels intérêts ?

                                                                                                    Ahmed Ould Cheikh

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