mercredi 9 février 2011

Editorial : Pain bénit pour démocraties militaires

Depuis quelques jours, notre pays vit au rythme des course-poursuites avec AQMI, des voitures qui explosent, des militaires qui se blessent, des kamikazes qui se font sauter, d’autres qui se font arrêter, des menaces de mort et d’attentats. Bref, une guerre qui ne disait pas son nom, contre un ennemi jusqu’alors lointain et invisible mais qui frappe, désormais, à nos portes. Une voiture, portant deux membres d’Al Qaïda, a, en effet, traversé tout le pays, de Bassiknou jusqu’à Nouakchott, malgré le maillage, très serré, du filet sécuritaire, pour venir exploser à quelques encablures du quartier de Riyadh. Une autre a été retrouvée non loin de R’kiz, et une dernière a vadrouillé un peu partout avant de se faire rattraper à Dar El Barka, au Barkna. D’où les légitimes questions que se pose tout un chacun: comment trois voitures suspectes ont-elles pu se faufiler jusqu’à la capitale ? Pourquoi n’ont-elles pas été interceptées plus tôt? Qu’ont fait l’Armée (de terre et de l’air), la Garde, la Gendarmerie et la Police, pour empêcher ces apprentis terroristes de parcourir près de 2000 kilomètres, sans être inquiétés? Les attaques préventives, menées au Mali, dans le but de repousser ces combattants loin de nos frontières ont-elles échoué dans leurs objectifs? Faut-il, désormais, s’attendre au pire, quand on sait que des pays, autrement plus puissants et mieux organisés, à l’instar de l’Algérie, ont subi des attaques meurtrières dans leurs grandes villes? Sur le plan militaire, pourquoi le BASEP, le bataillon chargé de la sécurité présidentielle, a été choisi, pour intercepter la voiture qui s’apprêtait à commettre un attentat à Nouakchott? La 6ème région militaire ou le 2ème bataillon de commandos de Jreïda, pour ne citer qu’eux, n’étaient-ils pas capables de mener à bien cette mission? A quoi peuvent bien servir les fameux GSI, les Groupes Spéciaux d’Intervention, mis en place, justement, pour lutter contre le terrorisme? Des questions qui risquent de ne pas trouver de réponse. Le ministre de la Défense – non le chef du bureau des opérations de l’Armée et pour cause – qui a donné, à la presse, certains détails de l’opération, s’est contenté du minimum. Dans des affaires aussi sensibles que celles-là, le secret est, jalousement, gardé et l’Armée ne consent, à un civil, que de quoi amuser la galerie. Sécurité oblige…
Ah, la sécurité! Parmi les justificatifs avancés, par les auteurs du coup d’Etat rectificatif du 6 août 2008, pour renverser Sidioca, l’absence de sécurité figurait en bonne place. Et il faut dire qu’elle a été bien «rétablie», cette renverseuse de président démocratiquement élu. Comptez bien! Depuis cette date, douze de nos soldats sont morts à Tourine; un citoyen américain a été tué, en plein jour, au Ksar; deux kamikazes se sont fait exploser, à Nouakchott et à Néma; trois humanitaires espagnols ont été enlevés, entre Nouadhibou à Nouakchott; deux italiens ont subi le même sort, non loin de Kobenni; cinq soldats, dont l’unité pourchassait des éléments d’AQMI, au Mali, en septembre dernier, sont tombés sous les balles ennemies et, plus récemment, la nébuleuse islamiste prétend commettre des attentats dans la capitale, n’hésitant pas à annoncer qu’elle vise le plus haut sommet de l’Etat. Vous me direz qu’à défaut de garantir la sécurité retrouvée, tout ceci justifie, largement, une politique sécuritaire. Dans le climat révolutionnaire qui se répand au Maghreb, évidemment, c’est du pain bénit, une telle précaution! Comme quoi, l’AQMI, y a pas à dire, c’est du tout bon, pour les démocraties militaires…

Ahmed Ould Cheikh

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