lundi 10 février 2020

Editorial: Commission...médicale

Alors qu’on la croyait morte et enterrée, la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur un certain nombre de dossiers et d’affaires louches qui ont émaillé la dernière décennie refait à nouveau surface. Devant les atermoiements du gouvernement, très hésitant avant de sauter le pas, on avait fini par croire qu’elle ne verrait jamais le jour. Et que les menaces d’Ould Abdel Aziz lors de sa dernière conférence de presse n’étaient pas tombées dans l’oreille d’un sourd. L’ex-Président avait en effet laissé entendre que la mise en place d’une telle commission risquait d’avoir un effet boomerang préjudiciable à beaucoup de monde, y compris parmi ceux qui entendaient fouiner d’un peu trop près dans sa gestion ; catastrophique, soi dit en passant. La commission a été finalement portée sur les fonts baptismaux la semaine dernière, après de longs et houleux débats sur sa composition. L’UPR, le parti ayant la plus forte représentation parlementaire, cherchait à en avoir, non seulement, la présidence mais, aussi, la majorité des membres. Un vœu exaucé (5/9), tandis que la tête de file échoit à Yahya ould El Waghf, frais émoulu de l’opposition. Un choix loin d’être fortuit. Dernier Premier ministre de Sidioca renversé par Ould Abdel Aziz en 2008, Yahya fut en effet envoyé en prison par celui-ci, lors de l’affaire dite du « riz avarié ». Puis libéré sans que sa responsabilité ne soit établie et avant qu’il ne soit jugé dans le cadre d’un arrangement consécutif aux accords de Dakar. Si le moins qu’on puisse dire est qu’il a une vieille dent contre celui qui le jeta en prison et ruina sa réputation, il ne veut pourtant pas voir les choses sous cet angle. Dans une déclaration à la presse, Ould El Waghf tient à préciser que la commission n’a pas vocation à faire le procès de la décennie mais à juste se pencher sur divers secteurs, conformément à la mission du Parlement. Elle ne passera donc au peigne fin que le Fonds des revenus pétroliers, la vente des domaines de l’État à Nouakchott, les activités de la société de pêche Poly Hondong, la gestion de la fondation de bienfaisance de la SNIM, le marché d’électrification publique à partir de l’énergie solaire, celui de la gestion du quai des conteneurs du Port Autonome de Nouakchott et la liquidation de  la SONIMEX. Elle aurait pu s’intéresser aussi à Afroport à qui fut cédé gracieusement l’aéroport de Nouakchott, au foncier de Nouadhibou, au marché de la centrale duale de Nouakchott, au canal d’irrigation de Keur Macène, au barrage de l’Oued Seguelil, à la voirie de Nouakchott, à la liquidation de l’ENER, aux avions de la MAI, etc. La liste est longue des méfaits d’un pouvoir qui, tel un cyclone, a tout ravagé sur son passage, laissant, derrière lui, une ardoise salée – plus de cinq milliards de dollars de dettes ! –dont l’encours risque de grever sérieusement le budget de l’État au détriment des secteurs sociaux. 
Les six mois impartis à cette commission pour éclairer notre lanterne seront-ils suffisants ? Aura-t-elle droit à un délai supplémentaire pour finaliser son travail ? Et, dans l’hypothèse où le rapport voit enfin le jour, sera-t-il suivi d’effet s’il s’avère que certains de ceux encore aux affaires ont trempé dans des malversations ? En attendant, prions pour qu’il ne subisse pas le sort des précédents : Cour des comptes et IGE ; qui ont clairement montré du doigt des prédateurs apparemment recyclables. À y voir de près, ce n’est pourtant plus du recyclage mais de…l’acharnement thérapeutique !

                                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

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