dimanche 18 février 2018

Editorial: L'art de la diplomatie

Les garde-côtes mauritaniens ont la gâchette facile lorsqu’il s’agit de traquer les petites pirogues sénégalaises. Pendant ce temps, les bateaux chinois, russes et hollandais pillent nos côtes, en toute impunité, chaque jour en milliers de tonnes. Mais, bon, ceux-ci sont couverts par des conventions très… policées, alors que ceux-là filoutent pour survivre ; et donc mourir, à l’occasion, sous les balles de nos défenseurs du… désordre. L’affaire a fait du bruit, au sein du petit peuple sénégalais, avec quelques soucis, pour nos ressortissants à Saint-Louis. Remake des années 1989-90? Car les relations, entre Ould Abdel Aziz et Macky Sall, n’ont jamais été au beau fixe. Si le premier n’a jamais hésité, n’hésite et n’hésitera jamais à s’enorgueillir d’une stratégie de tension permanente, avec nos voisins, le second a cette insigne qualité d’être un vrai chef d’Etat et préférer, en conséquence, la gestion à l’affrontement. Voilà pourquoi, sans doute, c’est lui qui a accouru à Nouakchott, pour tenter d’éteindre le feu. Alors qu’en toute civilité et logique, c’est Ould Abdel Aziz qui aurait dû se rendre, en personne, à Dakar, présenter les excuses de la Mauritanie. A contrario, son court message – quasiment un texto, façon amerloque : « Sorry, collatéral dommage ! » – n’aura encore prouvé que son mépris pour les « petites gens » qu’il croit ne plus être, lui, parvenu au pouvoir. Avec, comme à son habitude, des « justifications » a posteriori. Macky Sall n’héberge-t-il pas des opposants – que dis-je, des comploteurs traîtres à la Nation ! – en leur accordant une totale et exaspérante liberté de manœuvre ? Et de faire diffuser, via Whatsapp, par les services de renseignement mauritaniens, un enregistrement audio où l’on entend Macky discuter avec l’un d’eux, en l’occurrence Moustapha Limam Chafi, pestiféré premier dans la hiérarchie criminelle de notre teigneux dictateur.
En visite au Sénégal, il y a quelques jours, Macron a-t-il usé de son influence pour désamorcer la crise ? En conseillant, au chef de l’Etat sénégalais, de signer la convention de coopération bilatérale, pour le développement et l’exploitation conjointe du champ gazier Grand Tortue/Ahmeyin, impraticable sans le paraphe du pays de la Téranga, Macron veut-il forcer la main à Aziz, pour permettre, au Sénégal, d’intégrer le G5 ? Quoiqu’il en soit et à part l’accord sur Grand Tortue, qui sert plus les intérêts de la Mauritanie que ceux de son voisin – celui-ci dispose déjà d’un champ presque équivalent, au large de Dakar (Yaakar) – on peut dire que Macky est rentré bredouille. La résolution du problème des licences de pêche, très attendue, a été refilée aux ministres concernés, tout comme celui de la transhumance. Aux calendes mauritaniennes, donc, qui sont, comme chacun sait, infiniment plus élastiques que les grecques ? Les pêcheurs saint-louisiens peuvent toujours ronger leur frein, en profitant de l’aubaine pour apprendre à éviter, au mieux, les balles… Mais n’est-ce pas là, somme toute, l’art fondamental de la diplomatie ? Nos chefs s’emploient à le vulgariser : c’est déjà un bon point…
                                                                                    Ahmed ould Cheikh

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