Dans la mythologie populaire maure, on raconte
qu’une certaine Mint Steïli fut mordue par un serpent. Son venin était
tellement puissant qu’il la tua sur le coup, ainsi que tout son voisinage et
les femmes qui lui firent la toilette mortuaire. La Maurisbank est-elle en
train de devenir le serpent de Mint Steïli des temps modernes ? L’affaire,
qui déjà emporté le gouverneur de la Banque centrale, coupable d’avoir laissé
pourrir la situation, en laissant cette société piller les milliards déposés
par ses clients, vient de faire une nouvelle victime : le directeur
général de la Caisse de Dépôt et de Développement (CDD), accusé d’avoir placé quelques
centaines de millions dans ce « trou sans fond(s) » qu’est devenue la
Maurisbank. On en est même à se demander si le venin n’a pas étendu ses dégâts au
ministère des Finances dont le chef vient de faire les frais du dernier
remaniement ministériel. Et l’on risque ne pas s’arrêter là. D’autres têtes
vont encore tomber, si l’on va au bout de l’enquête. Dix-huit milliards
d’ouguiyas ne peuvent pas s’évaporer sans un réseau tentaculaire de
« distribution », bien huilé et disposant d’appuis à plusieurs
niveaux. Sauf si, comme toutes celles qui l’ont précédée, cette affaire finit
en queue de poisson. Ce pouvoir a, en effet, la fâcheuse habitude de ne pas
jamais clore un dossier qu’il a ouvert. Riz avarié, Air Mauritanie, CAPEC,
perception du Trésor au Port, Commissariat aux Droits de l’Homme, Mauritania
Airways, aucun n’a été vidé. Tous ceux qui y avaient été impliqués, à tort ou à
raison, s’en sont sortis avec des libertés provisoires et, telle une épée de
Damoclès dans la seule main d’« En-Haut », la menace perpétuée de
retourner en prison.
Serait-ce donc pour limiter la visibilité de
l’empoisonnement des affaires qu’on a dilué le départ de Thiam Diombar dans un
remaniement de circonstances ? Le directeur général des Impôts a été promu
à la place de son patron. Celui qui n’avait pour seul souci que d’amasser le
plus d’argent au Trésor, quitte à pressurer le contribuable au maximum, s’est
fait beaucoup d’ennemis. Exécutant parfois zélé, il est récompensé pour
services rendus et pour son dévouement, aveugle, au guide éclairé qui a su
utiliser, pas toujours à bon escient, ses « talents », pour (tenter
de) mettre à genoux tel ou tel adversaire de son pouvoir. Autre singularité du
mini-remaniement : la promotion de Vatma Vall mint Soueïna aux Affaires
étrangères. Etrangères surtout à elle, comme dirait feu Habib. Professeur à
l’Université, ministre de la Culture depuis moins d’un an, elle aura la lourde
tâche de diriger un département qui a besoin de mobilité, de tact, d’expérience
et de…. diplomatie. C’est la deuxième fois, sous Ould Abdel Aziz, qu’une femme
prend la tête de ce ministère très sensible. Un record, dans un monde arabo-musulman
passablement misogyne. Est-ce là le chambardement qu’annonçait, depuis quelque
temps, Ould Teguedi, le ministre sortant ? Passé l’effet d’annonce, que
changera cette nomination à notre tatillonne diplomatie ? Pas grand-chose,
probablement, puisque c’est toujours exclusivement « En-Haut » qui
décide les affaires. Toutes les affaires ? S’il est vrai que les serpents
se mordent souvent la queue, on ne sait jamais d’où part la pichenette qui
inaugure la dégringolade des dominos.
Et l’on comprend bien, alors, qu’une queue de
poisson, hâtivement placée en aval du désastre, paraisse, vue d’En-Haut, le
meilleur antidote au venin.
Ahmed Ould Cheikh
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