jeudi 27 novembre 2025

Editorial: Une volonté, un chemin?

 Annonçant au Sénat la rapidité de la victoire qu'il venait de remporter sur Pharnace, roi du Pont (47 avant J. -C.), l’empereur romain Jules César s’écria : « Veni, vidi, vici » (je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu). De retour d’une visite menée tambour battant au Hodh Charghi, le président Ghazouani aurait-il pu s’exprimer de la sorte ? Certes, il est venu, il a vu mais a-t-il pour autant vaincu ? Le tribalisme, le communautarisme, la gabegie, ces tares qui rongent l’État et qu’il a fustigées tout au long de son parcours. Reconnaissons-lui le courage d’avoir au moins mis le doigt sur la plaie. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres puisqu’il ne suffit pas de dresser un diagnostic. Il faut parfois un remède de cheval et notre pays en a plus que jamais besoin, en ce moment-charnière de sa courte histoire. 

Mais avant toute chose, il faut d’abord se poser plusieurs questions : qui est responsable de cet état de fait ? Qui a fait revivre la tribu qui avait pratiquement disparu, avant l’arrivée des militaires au pouvoir ? Qui a permis à la gabegie de prospérer ? Qui a instauré les dosages tribaux dans le partage de la haute fonction publique ? Certes, il ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie mais jeter un coup d’œil sur un passé douloureux permet d’éviter de tomber dans les mêmes pièges. En tout cas, le Président a un boulevard devant lui. En vertu de la Constitution, il ne sollicitera plus les suffrages des électeurs et peut, du coup, entrer dans l’Histoire, en tentant d’éradiquer des maux qui ont fait tant de mal à notre pays. Le combat risque d’être inégal face aux tenants du statu quo mais ne dit-on pas que « là où il y a une volonté, il y a un chemin » ?

                                                                     Ahmed ould Cheikh

vendredi 21 novembre 2025

Editorial: Ne pas vendre la peau de l'ours....

 Un célèbre proverbe français nous apprend, à juste titre, qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Lors de sa dernière visite au Hodh Ech-Chargui, Ghazouani l’a répété – mais indirectement – aux membres de son équipe, à ses soutiens et à tous ceux qui veulent l’enterrer tôt. Une campagne entamée au lendemain même de son investiture pour le second mandat, le troisième n’étant plus envisageable, en vertu de la Constitution. Depuis, ce bourdonnement ne s’est plus arrêté. Des journalistes (ou ce qui en tient lieu), des bloggeurs (pour ne pas dire blagueurs) et des influenceurs (pour ne pas dire influencés) sont mis à contribution pour vanter les mérites de tel ou tel successeur potentiel. La campagne a atteint un tel paroxysme que certains,comme le ministre des Affaires étrangères ou le directeur de cabinet du président de la République, se sont sentis obligés de sortir des rangs pour s’en démarquer ouvertement. Impassible jusqu’à présent, Ghazouani, piqué dans le vif, est finalement sorti du bois. À Timbédra, il a choisi ses mots pour dire à tous ceux qui s’aventurent déjà dans cette querelle de succession qu’elle n’a pas lieu d’être et qu’une équipe doit toujours tirer dans la même direction. Belle image pour un ancien militaire sachant, mieux que quiconque, qu’il ne faut jamais prêter le flanc à l’ennemi et qu’une compagnie minée par les divisions succombera aux premiers coups de l’ennemi. Sera-t-il entendu ? Faut-il plus qu’un discours pour mettre fin à la guerre des égos ? Car, pendant ce temps-là, les coupures d’eau et d’électricité se multiplient dans le pays, notamment à Nouakchott, et l’on aimerait vraiment beaucoup que le programme « Mon ambition pour la Patrie » débouche, si tel est vraiment le projet de notre Président, enfin sur autre chose que ces misérables bisbilles… 

 

                                                  Ahmed ould Cheikh

vendredi 14 novembre 2025

Editorial: A moins que.......

 On n’en attendait pas moins mais… mieux vaut tard que jamais ! Le Président l’a mis en exergue lors d’un speech prononcé à N’Beïket Lahwach et s’est montré ferme : tout fonctionnaire est un représentant de l’État, non seulement au bureau mais, également, en dehors de celui-ci. Il est donc inadmissible qu’il s’adonne à des pratiques que l’État reprouve. Sans la citer nommément, Ould Ghazouani fait une allusion à peine voilée à ce mal qui ronge la République : la tribu ; et qui a accompli un retour en force au cours des dernières années. Pour elle, les visites du Président à l’intérieur du pays sont des occasions rêvées de s’affirmer encore plus. Des défilés motorisés où l’on rivalise par le nombre de voitures sont organisées, des tentes dressées, des banderoles exposées et des affiches placardées en son nom… Pire, ses porte-paroles s’adressent directement à la presse (ou ce qui tient lieu) et ceux qui considèrent la leur exclue du gâteau que constituent les hautes fonctions n’hésitent pas à répercuter leurs jérémiades dans les réseaux sociaux. La coupe est désormais pleine et l’État ne pouvait plus continuer à rester les bras ballants face à un tel déferlement de bêtises. Il était grand temps que le Président tape du poing sur la table mais, dans certains cas où le corps est gangréné, les bonnes paroles ne suffisent plus. On se rappelle tous du fameux discours de Néma (tiens, tiens !) où Maaouya s’attaqua aux tribus, les accusant de tous les maux… avant qu’elles ne connaissent leur âge d’or sous son magistère ! Il avait certes besoin de leurs voix pour se faire élire, alors que pour celui qui ne brigue plus aucun suffrage, l’occasion est rêvée de laisser une empreinte dans l’histoire. À moins que…

 

                                                             Ahmed ould Cheikh

mercredi 5 novembre 2025

Editorial: Marchands de la mort

 Le docteur Nedhirou ould Hamed s’y essaya en son temps et fut emporté par le courant qui charrie tous ceux qui essayent de mettre un peu d’ordre dans le secteur pharmaceutique de notre pays. De prime abord, il fit respecter le principe de la distance entre les pharmacies et en fermer des dizaines, s’attaquant frontalement à ces marchands de la mort important des produits qui n’ont de médicaments que les noms. Avec de terribles conséquences. Combien de personnes sont mortes à cause de produits toxiques qui leur furent vendus sous cette mensongère appellation ? Combien d’autres se sont retrouvées avec des reins défaillants et condamnées, en conséquence, à la dialyse perpétuelle ? 

Certes, des efforts importants ont été fournis au cours des dernières années pour vérifier la traçabilité des médicaments et s’assurer de leur efficacité mais l’appétit sans limite des commerçants et les immenses profits qu’ils tirent de ce secteur empêchent toute réforme d’aboutir : ils sont prêts à y mettre les moyens. Tout responsable qui s’emploiera à déranger l’« ordre » bien établi se verra accuser de tous les péchés d’Israël, une virulente campagne de presse sera menée contre lui et, même s’il est la vertu incarnée, il sera dépeint sous les traits d’un diable incarné. Certains ont essayé de résister ; un temps… avant de passer à la trappe. 

Mohamed Mahmoud Ould Ely Mahmoud, le nouveau ministre de la Santé qui vient de se fendre d’une déclaration fracassante à l’Assemblée, en invitant les commerçants à laisser le domaine de la pharmacie aux professionnels, ira-t-il plus loin ? Sa carapace sera-t-elle plus résistante que celle de ses prédécesseurs ? Réponse dans quelques mois, lorsque la réforme sera mise en œuvre. Nouveau théâtre de la lutte contre la corruption : voyons si notre Président et son Premier ministre sauront s’y révéler à la hauteur de leurs vertueuses déclarations de principe, en soutenant sans aucune réserve ni défaillance leur homme lige.

 

                                                                              Ahmed ould Cheikh