samedi 19 juillet 2025

Editorial: Victoire ou mise en scène

 À l’instar de quatre de ses pairs africains, le président Ghazouani a déféré à l’invitation de son homologue américain, l’inénarrable Donald Trump. La rencontre et ses différentes péripéties ont fait couler énormément d’encre et de salive. Pour certains, l’invitation est en elle-même une victoire diplomatique pour ces cinq pays triés sur le volet dont les USA veulent se faire des partenaires et dont le choix a suscité bien des jalousies. Il n’est, en effet, pas donné à tout le monde de recevoir autant d’égards de la première puissance économique et militaire mondiale. Plus critiques, d’autres y sont allés de leurs commentaires parfois acerbes. Souvent anonymes, des chroniqueurs n’ont pas mâché leurs mots : «mise en scène», «convocation» et même « humiliation ». Feignant d’oublier un fait essentiel et inédit : si la télévision n’avait pas transmis en direct le contenu des entretiens entre les présidents, personne n’aurait su ce qu’ils se sont dit et cette diarrhée verbale n’eût jamais existé. Face à un Trump égal à lui-même et sans peu de considérations envers les usages diplomatiques, les présidents africains ont été loin d’être ridicules. Ils ont présenté leur pays respectif, leurs potentialités et appelé à une coopération fructueuse avec l’Oncle Sam. Un premier pas a été ainsi franchi. On attend la suite qui sera, on l’espère, bénéfique pour nos pays.

                                                             Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 juillet 2025

Editorial: Comme un air de sabotage

 Après les ponts dits de l’Amitié, Taazour et El Haye Sakine, dont Nouakchott avait tant besoin pour désengorger une circulation devenue infernale, le président de la République a inauguré la semaine dernière plusieurs infrastructures, notamment la deuxième phase du projet Aftout ech-Charghi, une école dédiée aux métiers des mines, deux nouveaux sièges pour la protection civile et la direction générale des Archives nationales. Pour un pays comme le nôtre, encore en retard dans le domaine des infrastructures, on ne peut qu’applaudir, même s’il reste beaucoup  à accomplir, notamment dans les secteurs de l’eau et de l’énergie. Il n’est, en effet, pas normal qu’au 21ème siècle et malgré les énormes moyens mobilisés, aucune ville mauritanienne n’est autosuffisante en eau et électricité, y compris Nouakchott. Pire, des projets financés à coup de milliards sont souvent sabotés. Vous voulez des preuves ? En voici ! La réalisation de la première phase du projet Aftout ech-Charghi qui devait alimenter des dizaines de villages en eau potable s’est révélée catastrophique. Et lorsque le responsable d’une ONG a dénoncé cette situation, preuves à l’appui, il s’est retrouvé en prison. Financé gracieusement par la Chine, le pont de l’Amitié n’a rien à voir, question qualité, avec les deux autres ponts pour lesquels l’État a débloqué des milliards. Les amphithéâtres de l’Université deviennent une passoire à la première goutte de pluie. La faute à qui ? Aux cahiers de charges mal élaborés ? Aux bureaux de contrôle qui ferment les yeux ? Aux ministères qui débloquent les paiements sans s’assurer de la capacité de service ? Il y a en tout cas comme un air de sabotage dont n’hésitent pas à profiter certains. Jusqu’à quand ?

 

                                                            Ahmed ould Cheikh

vendredi 4 juillet 2025

Editorial: Panne de convivialité

À Teyarett, un des quartiers populaires de Nouakchott où la criminalité est minime, en comparaison de certaines moughataas où il ne fait pas bon mettre le nez dehors, à partir d’une certaine heure de la nuit, une jeune femme descend d’un taxi en pleine journée. Son sac accroché à l’épaule, elle se croit plus ou moins en sécurité, ne sachant pas que deux lascars à moto la suivent de près. Arrivés à sa hauteur, l’un d’eux lui arrache son sac d’un mouvement brusque. Le temps de se retourner et voilà qu’à deux pas d’elle, les bandits sont fauchés par une voiture ! Ils s’écroulent. L’un meurt sur le coup et l’autre sera transporté à l’hôpital, grièvement blessé. Choquée, elle récupère son sac et poursuit son chemin. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres… Les vols à l’arraché ou à main armée, les viols et assassinats sont devenus le lot quotidien de plusieurs quartiers de la capitale. Malgré les efforts de la police, les patrouilles nocturnes de la Garde et de la gendarmerie, l’insécurité ne cesse de gagner du terrain ; jusqu’en en plein jour, comme on l’a vu. Pourtant les violons des commissariats et les maisons d’arrêt ne désemplissent pas. C’est que le mal est profond. Ruraux jusqu’à une date récente, les Mauritaniens n’ont toujours pas assimilé que la sécurité, en ville, implique des règles spécifiques dans le comportement et les réflexes. Tout comme le manque d’instruction, l’ennui, le manque de repères et de ressources, dans un univers où la hiérarchie de l’être, c’est d’abord celle du pouvoir de consommation, forment un terreau favorable à la délinquance… Dépassés par la rue, les parents démissionnent d’autant plus vite qu’aucune organisation de quartier ne se développe. Un cocktail au final explosif dont on n’éteindra pas les risques en se contentant de réprimer ses méfaits. Il y a à rétablir, partout, une convivialité entre le dedans et le dehors, le domicile et la rue, les décisions d’en haut et celles d’en bas, les besoins de la communauté et ceux de chacun, dès son plus jeune âge… Ahmed ould Cheikh