lundi 31 mars 2025
Editorial: Chapeau, maître Bouhoubeyni !
Maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni vient de boucler son deuxième et dernier mandat à la tête de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), un organisme officiel mauritanien créé en vertu de l’ordonnance N°015/2006 du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD). On avait remarqué, à l’époque, le caractère essentiellement consultatif – et donc limité… – des missions confiées à cette nouvelle institution et certains opposants au pouvoir n’ont cessé, depuis, de reprocher à l’ex-président du forum de l’Opposition d’avoir accepté cette contrainte. Mais, habile avocat et fin négociateur, comme en témoigne également son passage à la présidence de l’Ordre des Avocats Mauritaniens, Me Bouhoubeyni a néanmoins su extraire de cette entrave des avancées significatives dans la lutte vers l’établissement d’un État de droit en Mauritanie.
Il a notamment établi une relation de confiance avec les autorités, dans une posture d’écoute et de dialogue n’excluant pas des critiques et des défis strictement basés sur des faits concrets et objectivement irréfutables. Une confiance également établie avec les partenaires de la Mauritanie qui s’est soldée par un soutien sans précédent de la Communauté internationale : ambassadeurs accompagnant jusqu’aux confins du pays les campagnes de la CNDH contre l’esclavage, avec des slogans marquants comme « Esclavage, tournez la page ! » ; visite officielle du président du Conseil européen, Charles Michel, au siège de la CNDH, après sa rencontre avec Mohamed Cheikh El Ghazouani ; consultation du président de celle-ci par l’ambassadeur de l’Union européenne, deux jours avant la revue entre l’UE et le gouvernement mauritanien il y a quelques semaines ; soirée exceptionnelle du 18 Mars dernier, réunissant les ambassadeurs des principales puissances diplomatiques (États-Unis, France, Allemagne, Espagne, UE), les représentants des Nations Unies, notamment leur coordinatrice générale, les représentants de la Banque mondiale, du HCR et du Bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme et autres acteurs majeurs…
Et maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni de souligner : « notre méthodologie sur des dossiers sensibles, comme celui de l’esclavage, a permis de dépasser les polémiques stériles pour apporter des réponses concrètes. Nous avons invité tous les acteurs à chercher ensemble des solutions à des problèmes précis, démontrant ainsi notre volonté d’action plutôt que de débat théorique. Aujourd’hui, la Mauritanie bénéficie d’une reconnaissance internationale avec le statut A au sein des Nations Unies. Il est essentiel que cette dynamique soit préservée par la future présidence de la CNDH, car les droits de l’Homme restent un combat permanent. »
Ahmed ould Cheikh
samedi 22 mars 2025
Editorial: Le dialogue, une nécessité nationale
Le climat international se tend, des positions extrémistes, notamment en ce qui concerne la libre circulation des biens et des personnes, se développent : sans conséquence sur notre quotidien mauritanien ? Les informations qui nous parviennent et que nous nous faisons le devoir de rapporter dans toute la diversité de leur expression démontrent tout le contraire. Propulsée par des difficultés économiques croissantes en Afrique sahélienne, la problématique migratoire amène des mesures vexatoires à l’encontre des étrangers subsahariens venus chercher, auprès de nous, de meilleures conditions d’existence et cette politique protectionniste a des retombées sur certaines de nos propres populations variablement intégrées dans notre organisation nationale.
De fait, c’est bel et bien la question des inégalités raciales qui se retrouve aiguisée et la communauté haratine ne manque pas de le remarquer, en rappelant l’urgence d’en finir enfin avec l’esclavage et ses séquelles. Ce n’est à proprement pas parler d’arsenal juridique à l’encontre de ces plaies – il est déjà relativement bien développé – mais beaucoup plus de volonté politique et plus encore de prise de conscience, chez tous les mauritaniens, particulièrement ceux qui sont aux commandes, de la nécessité de partager réellement le pouvoir et les richesses de notre nation. La solution serait-elle, a contrario, de favoriser l’immigration maghrébine pour contrer la montée de l’Afrique noire ? Bref et abruptement, troquer notre ancestrale fonction de trait d’union entre les deux bilads contre une position d’affrontement ?
Mais à qui profiterait au final une telle attitude ? Notre sous-sol et ses richesses font l’objet de bien des convoitises et rien de plus excitant pour celles-ci que l’entretien de situations conflictuelles au sein de notre nation. C’est précisément à ce point de réflexion que se présente l’opportunité d’un nouveau dialogue entre toutes nos composantes politiques et civiles. Non pas, bien évidemment, que le dossier racial soit le plus central à discuter – la pauvreté touche tout le monde, tout comme la corruption, la gabegie et les dessous-de-table… – mais il est assez volumineux pour inciter les plus nantis – et paradoxalement donc, les plus exposés aux conséquences de remue-ménages intempestifs – à se plier aux conditions d’un dialogue vraiment ouvert, sincère et inclusif, n’excluant aucun sujet. Ce n’est pas seulement à conclure : à bon entendeur, salut !
C’est toute la nation qui y appelle.
Ahmed ould Cheikh
samedi 15 mars 2025
Editorial: Il faut sauver la MAI
Arrivés comme prévu à l’aéroport de Las Palmas, le vendredi 7 Mars, pour prendre le vol de la Mauritania Airlines à destination de Nouakchott, les passagers qui avaient libéré leurs chambres d’hôtel et épuisé leurs frais de séjour ont eu la désagréable surprise de se voir notifier que l’avion qui devait les transporter n’arriverait que dimanche. En vertu des lois qui régissent le transport aérien, ils auraient dû être pris en charge par la compagnie, logés, nourris jusqu’à leur départ et même indemnisés. Mais notre compagnie nationale semble ignorer ou refuse d’appliquer ces textes. Les passagers n’auront même pas droit à un mot d’excuse. Et ce n’est pas la première fois. La MAI a sans doute la politique commerciale la plus pourrie de tout l’Univers.
Et que dire de sa gestion ? Comment une compagnie qui dispose de six avions (dont quatre dans un état presque neuf, deux Boeings et deux Embraers) peut-elle se retrouver du jour au lendemain sans aucun aéronef en mesure de voler ? « Gouverner, c’est prévoir », dit-on. Pourquoi n’a-t-elle pas prévu que les avions totalisant un certain nombre très précis d’heures de vol doivent nécessairement aller en révision ? N’a-t-elle pas les moyens de faire face à ces charges ? Où vont les milliards qu’elle encaisse ? Sa situation serait devenue, dit-on, si proche du coma qu’elle navigue désormais à vue, vivant au jour le jour d’expédients et se contentant de louer des avions pour assurer ses dessertes. Elle a pourtant tout pour réussir : des avions qui lui appartiennent et qui ne lui ont rien coûté, des lignes rentables et un personnel qualifié… mais il lui manque l’essentiel : un pilote.
Ahmed ould Cheikh
vendredi 7 mars 2025
Editorial: Pas de loi antitrust en Mauritanie : un diktat de quel pouvoir ?
On s’étonne à bon droit de l’incohérence politique que cela implique : on ne peut pas prétendre mettre fin à l’incurie et la corruption… tout en entretenant les conditions qui les génèrent. Car c’est bel et bien le pouvoir actuellement en place qui a élevé Mohamed Zeïne El Abidine Cheikh Ahmed au rang d’homme d’affaires privilégié. Œuvre de Mohamed ould Abdel Aziz ? Certes mais le successeur de celui-ci n’en a pas non seulement perpétué la démarche mais l’a encore amplifiée, alors que s’accumulaient les preuves des insuffisances dudit personnage. J’évoquais la semaine dernière ses « manquements » dans l’exécution du projet « Aftout ech-Chargui » et les « indulgences » dont l’AFD l’avait gratifié. Cette semaine, c’est « Le Quotidien de Nouakchott » qui fait état des « largesses » de l’État mauritanien qui confie à sa trouble société de génie civil BIS TP la réhabilitation et de l’extension des écoles de la commune de Toujounine. Pour 908 millions MRO. Comme si de rien n’était.
On me rétorquera que ces « faveurs » ne lui sont pas exclusives, à proprement parler, puisque d’autres sociétés – la PME de génie civil TCC, Electotech SA et Best Buy – vont se partager quelque mille six cent vingt millions MRO sur le projet de réhabilitation et d’extension de cent trente-deux infrastructures scolaires de Nouakchott, piloté par Taazour. Mais, quand on constate l’ampleur des activités déployées par l’affairiste – ainsi que le souligne avec pertinence notre estimé confrère : informatique, secteur bancaire, génie civil, hydrocarbures, télécoms, électricité, médias, énergies etc. – on soupçonne bien, là-dessous, une volonté de préserver les intérêts d’un système profondément incrusté dans le fonctionnement de notre République.
Bref, le pouvoir affiché va devoir faire des choix. Continuer à faire « comme si de rien n’était » et s’exposer, preuves à l’appui – comptez là-dessus sur nous ! – à une réprobation croissante envers ces « irresponsabilités protégées » réduisant ses promesses à de vulgaires slogans vides de sens ; ou bien s’attaquer clairement aux insuffisances dans l’exécution des contrats du patron des patrons avec l’État. Si celui-là n’est pas un simple homme de paille de celui-ci – et cela pose évidemment des questions plus troublantes encore… – on apprendra alors vite que ces insuffisances tiennent surtout de l’omniprésence de cet homme sur le marché des affaires. « On ne peut pas être à la fois au four et au moulin », rappelle un célèbre dicton populaire français. Est-ce pour cette raison qu’apparut en 1890 aux USA la première loi antitrust au monde ? C’est peu probable mais une chose est en tout cas certaine : c’est bien celle-ci qui initia leur développement…
Ahmed ould Cheikh
Inscription à :
Articles (Atom)