jeudi 29 août 2024

Editorial: Tactique éculée, tic-tac en cours…

Dans un pays normal ou, du moins, de tradition démocratique, la formation d’un nouveau gouvernement devrait bannir les considérations subjectives ; comme celle relative aux dosages, de quelque nature qu’ils soient ; et privilégier la compétence et l’expérience, au détriment de tout le reste. D’où la célèbre maxime qui doit guider tous les choix : l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Qui, malheureusement, n’a été que rarement respectée sous nos cieux. Particulièrement lors de la formation du gouvernement Ould Djay 1. Sinon, comment expliquer le départ de ministres qui n’ont jamais, de l’avis de tous, démérité, tentant même de secouer le mammouth ? Que peut-on reprocher à Ismaël ould Abdevetah, sinon de s’être attaqué à la mafia qui gangrène le ministère de l’Hydraulique et aux sociétés appartenant à des puissants à qui l’on attribue des marchés et qui font très mal leur travail ? À Mokhtar ould Dahi, à qui l’on a demandé d’accompagner la mise en place de l’école républicaine et s’en sortait plutôt bien ? À Abdessalam ould Mohamed Saleh, un technocrate internationalement reconnu qui s’est mis au service de son pays et dont l’intégrité et les compétences sont unanimement reconnues ? À Lallya Camara, à qui l’on avait confié l’Environnement – un ministère à problèmes, s’il en est – et qui s’est démenée comme elle a pu pour ce secteur dont la préservation est le dernier souci de ses compatriotes ? A Cheikh Ahmedou Ould Sidi, le commissaire aux Droits de l’Homme, qui a travaillé jour et nuit pour faire avancer ou aboutir tous les dossiers relatifs à cette question éminemment sensible ? Tous ont la particularité d’avoir fait les frais de dosages politiques, tribaux et régionaux, ainsi qu’il en est depuis la nuit des temps. On pensait pourtant qu’engagé dans son ultime mandat, le président pouvait donc faire fi des considérations électoralistes et qu’il allait, cette fois, choisir les meilleurs d’entre nous. Vain espoir… avant combien d’autres désillusions ? Tactique éculée… Le compte-à-rebours est en tout cas enclenché : fin de règne dans 58 mois… Tic-tac… tic-tac. Ahmed Ould Cheikh

vendredi 23 août 2024

Editorial: Construire ou manger...

Alors qu’on l’attendait sur des sujets autrement plus sensibles, avec des répercussions sur notre vie de tous les jours, notre gouvernement éclairé nous a sorti une de ses prouesses dignes des plus doués populistes : un arrangement avec les cimenteries qui engendrera une baisse de 10.000 MRO le prix du ciment à la tonne. Applaudissez messieurs-dames ! Notre économiste-statisticien de Premier ministre sait sans doute mieux que quiconque que quand le bâtiment va, tout va. Construisez donc avant que les prix ne reviennent à leur niveau d’antan ! Ce qui ne saurait tarder puisque les usiniers ne vont pas continuer à perdre de l’argent pour les beaux yeux d’un État qui refuse de revoir à la baisse les 40% qu’il prélève sur chaque tonne vendue… À moins que cela ne soit une clause secrète d’un accord obtenu à la va-vite et qu’il fallait jeter rapidement en pâture à une opinion désabusée. Le prix de ladite matière avait en effet atteint de tels sommets qu’on aurait pu initier une campagne pour le faire baisser et dont le slogan aurait été : « construire ou manger, il faut choisir ». Mais n’aurait-il pas mieux été pour ce gouvernement, s’il se souciait tant de notre bien-être, de s’attaquer d’abord au panier de la pauvre ménagère qui ne sait plus comment faire face à la voracité des commerçants ? Le premier dossier que le nouveau gouvernement du Sénégal a ouvert est celui des prix des denrées de première nécessité. En décidant de diminuer les taxes douanières sur ces produits, leur prix a automatiquement baissé sur le marché. Qu’attend-on pour faire la même chose ? Construire ou manger, c’est tout choisi pour l’immense majorité de notre peuple et, franchement, le ciment, ce n’est vraiment pas digeste… Ahmed Ould Cheikh

samedi 17 août 2024

Editorial: De l'eau dans le gaz?

Qu’il fut difficile, l’accouchement du nouveau gouvernement ! Après la désignation, à la surprise générale, du très controversé Mokhtar ould Djay, personnage clivant s’il en est, à la Primature, les observateurs s’attendaient à ce que la formation de la nouvelle équipe ne soit pas une partie de plaisir. Et il en fut ainsi. Il a en effet fallu plus de soixante-douze heures de tractations pour que les noms des ministres soient rendus publics. À trois heures du matin, svp ! Comme s’il y avait urgence à les publier avant que la liste ne soit de nouveau modifiée, comme elle le fut à plusieurs reprises au cours des derniers jours. Ould Djay voulant marquer son territoire. Il a fallu lui montrer, ministres entrants et sortants à l’appui, qu’il ne serait pas le seul maître à bord et que les pouvoirs de celui qui n’est que le primus inter pares ne sont pas aussi étendus qu’il le croit. S’il a pu placer des hommes à lui – ou qui lui sont fidèles, du moins en apparence… – il n’a eu aucune emprise sur des secteurs de la plus haute importance. L’Intérieur, les Affaires étrangères, la Défense et la Justice restent l’apanage du président de la République. Résultat des courses, une équipe qui manque totalement d’homogénéité et qui ne manquera pas de se tirer dans les pattes à la moindre occasion ; parfois même avant qu’elle ne se présente. Ould Djay réussira-t-il à aplanir ces divergences et à faire parler les ministres d’une même voix ? Tel monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, le nouveau PM serait-il un adepte de Machiavel pour qui la fin justifie les moyens ? On n’oubliera pas ici que, fin de règne oblige, les perspectives de 2029 ne sont pas celles de 2024 : si gouverner, c’est prévoir, ceci explique très probablement cela… Ahmed ould Cheikh

samedi 10 août 2024

Editorial: Funambulesque rebond

Pour une surprise, c’en est une ! Alors que les supputations allaient bon train sur le choix du Premier ministre qui doit inaugurer le nouveau mandat placé sous le sceau de la jeunesse (si l’on en croit le slogan de la campagne), Ould Ghazouani a pris tout le monde de court. Différents noms ont commencé à circuler dès la fin de la cérémonie d’investiture. Chacun y allait de son pronostic. Mais personne n’imaginait que celui qui a été bombardé il y a un an environ ministre-directeur de cabinet (un poste taillé sur mesures) après avoir traversé le désert pendant près de quatre ans, et qui avait servi corps et âme le pouvoir d’Ould Abdel Aziz, allait rebondir d’une façon aussi spectaculaire. Ould Djay, puisque c’est de lui qu’il s’agit, symbolise en effet, pour une grande partie de l’opinion publique, le directeur des impôts qu’Aziz utilisait pour régler ses comptes aux opposants et qui s’acquittait de sa mission avec un zèle inégalé. Il s’en délectait même, disent ses nombreux détracteurs. Promu ministre des Finances puis de l’Économie, pour services rendus à son mentor, il était resté aux affaires jusqu’à la chute de celui qu’il disait « plus important que l’électricité, l’eau, l’éducation et la santé ». Enfant gâté du régime, il était dans tous les bons et mauvais coups. Omniprésent, il était la voix et les oreilles de son maître. Cité dans le rapport de la commission parlementaire, interrogé par la police économique et la justice, il s’en sort par un de ces miracles dont seule la Mauritanie a le secret. L’homme a plus d’un tour dans son sac. Il aurait, dit-on, retourné à son profit des membres de la Commission… À la surprise générale bombardé, par Ghazouani à la tête de la SNIM, il y est resté un an avant d’hiberner pendant de longues années. Et de rebondir il y a un an. Un funambulesque rétablissement au sommet dont on n’a pas fini de parler… Ahmed ould Cheikh