lundi 26 octobre 2015

Editorial: Tonneau des Danaïdes


Le mono-dialogue a redémarré ce 20 Octobre. Après une « accalmie » de  plus d’un mois, au cours de laquelle divers ministres ont sillonné le pays, pour expliquer les vertus de la concertation (avec soi-même ?), voilà la conférence tam-tam qui re-tympanise, mais toujours sans voix discordante. L’opposition rebutant, encore une fois, à se laisser convaincre par la nécessité de s’asseoir, autour d’une même table, avec un pouvoir  qui refuse de la considérer en partenaire à part entière. Et dont elle n’arrive toujours à saisir les motivations pour un dialogue qui aurait dû s’engager dès 2009, juste après la présidentielle, en vertu des fameux accords de Dakar.
Pourquoi  maintenant, alors qu’aucune  élection n’est en vue ? En l’attente de jours meilleurs, Ould Abdel Aziz, qui voit l’horizon s’assombrir de tant de difficultés politiques, sociales et économiques, voudrait-il sortir de ce mauvais pas en occupant l’opinion publique ? Ou pense-t-il que l’opposition, qui s’est auto-exclue de l’Assemblée nationale et des mairies, en boycottant les dernières élections, va se jeter, comme un mort de faim, sur un dialogue prêt-à-porter, histoire de négocier quelque nouvelles consultations électorales ?  Croit-il qu’avec un quarteron d’opposants en rupture de ban, il pourrait susciter des recommandations crédibles, obtenant l’adhésion de l’opinion intérieure et des partenaires extérieurs ?
Peut-être n’a-t-il  pas l’intention de triturer la Constitution, du moins si l’on en croit te ou tel de ses soutiens. Arrêtons donc de lui faire un mauvais procès et attendons la fin du monologue du Palais des congrès pour voir  de quoi il retourne. Mais ce qui est sûr, dans le contexte actuel, marqué par la décote du fer, le déficit des finances publiques, le surendettement, la hausse des prix  le mécontentement généralisé, la mystérieuse épidémie de fièvre, le tout en pleine crise politique et sociale, c’est qu’il serait suicidaire de se lancer dans une nouvelle aventure, en tentant une réforme constitutionnelle. C’est comme si l’on choisissait de rallumer de nouveaux foyers, au risque de tout embraser, plutôt que de tenter de circonscrire l’incendie.
Parions, pour l’heure, que notre stratège présidentiel s’abstienne de recourir à un tel aléatoire pare-feu. Mais le monologue dialoguiste suffira-t-il à éteindre les braises qui se multiplient ? Un arrosage en bonne et due forme alors ? Les milliards que nos « frères » saoudiens seraient prêts à débloquer, en échange de  l’envoi de troupes pour combattre les Houtis, seraient-ils le remède-miracle à tous nos soucis ? Entretenir une telle illusion semble pourtant de mémoire bien courte. Jamais, au cours de ces dernières années, notre pays n’a obtenu autant d’argent : recettes minières, fiscales et douanières, renouvellement des licences de téléphonie mobile, aides et prêts des bailleurs de fonds arabes et autres ; pour un résultat on ne peut plus piètre, une fois le bitume de nos rues nidifié par les poules.  Quelques milliards de plus versés dans le tonneau des Danaïdes dont la chaleur grandissante des problèmes vaporise l’eau à la vitesse grand V… Milliards évaporés ? Pas pour tout le monde, évidemment, mais les petits malins feraient bien d’assurer leurs arrières : ça sent bigrement le roussi, par les temps qui courent…
                                                                                       Ahmed Ould Cheikh

lundi 19 octobre 2015

Editorial: En toute modestie..

L’information est pour le moins insolite. Elle a été relayée, cette semaine, par le journal télévisé de France 2 et témoigne de la modestie légendaire de la Norvège. Modeste mais au top des pays riches de la planète : elle a, notamment, amassé, grâce à ses ressources pétrolières, un pactole de quelque 900 milliards de dollars, lorsque les prix de l’or noir étaient au plus haut… Et France 2 nous apprend que telle ministre norvégienne rentre à son bureau, au sortir d’une émission matinale sur une chaîne locale, à pied, sans aucune escorte. Se met au travail. Puis descend, à la pause, à la cantine du ministère pour déjeuner. A sa table, en face d’elle, l’employée chargée du nettoyage. Vers 17 heures, elle prend les transports en commun, pour retourner chez elle, un appartement de fonction d’à peine cent mètres carrés, sommairement équipé. Son collègue des Affaires étrangères s’était vu offrir, il y a peu, des tapis de la Turquie : il fut obligé de les restituer, lorsque la presse eut vent de l’affaire…
En tout cela, quel lien avec la Mauritanie qui n’est ni riche, ni démocratique encore moins modeste ? Le contraste. Si fort qu’il en devient choquant. Notre président de la République se prend, tout à la fois, pour le ministre des Finances, le directeur du Budget et le Trésorier général ; « son » Premier ministre pour un simple primus inter pares* qui ne cherche pas à faire des vagues; le ministre des Finances, pour un directeur des Impôts ; le ministre de la Santé, pour un homme politique ; le président de l’UPR, (PRDS-version Aziz), pour le ministre de la Santé ; le ministre de l’Energie, pour le directeur de la SOMELEC ; la directrice générale de la TVM, pour la ministre de la Communication et la conseillère de presse du Président ; tout peshmerga qui ne respecte pas plus sa profession que lui-même pour un journaliste sérieux et crédible.
 Rien qu’à voir la façon dont nos ministres se déplacent, en voitures de luxe, vitres teintées et rideaux tirés, chauffeur et policier à l’avant, leurs homologues norvégiens peuvent aller se rhabiller. Nos hauts fonctionnaires se barricadent, tant à domicile qu’au bureau, et le citoyen lambda en souffrance de quelque problème peut facilement passer des années dans les couloirs ministériels, sans jamais ne serait-ce qu’entrevoir l’entre eux. Et que dire des cadeaux que nos dirigeants reçoivent et qu’entoure la plus totale  opacité ? Feu Moktar ould Daddah reversait, automatiquement, au Trésor public, tous les cadeaux, parfois somptueux,  dont ses homologues l’honoraient. C’est un secret de Polichinelle que, depuis, aucun autre de nos présidents n’a déclaré la moindre offrande et Allah sait qu’il y en eut, en trente-sept ans ! Argent liquide, bijoux en  or, tapis, montres de valeur, ils ont tout gardé pour eux et leur variablement douce moitié.
La Norvège, qui ne se targue pourtant pas d’être une république islamique, nous donne ainsi des leçons de probité et de respect de la chose publique. Elle n’a donc pas besoin d’organiser des journées de concertation pour se donner des airs de vertu. En la vivant, banalement, quotidiennement et jusqu’en ses plus hautes instances, elle assure, en toute modestie, la stabilité de ses institutions, la confiance de ses partenaires et, ce qui n’est pas le moindre des  bienfaits, la paix civile…
*Premier parmi ses pairs
                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh

dimanche 11 octobre 2015

Editorial: Jusqu’au rideau rongé…


Le pays éprouve des difficultés de toutes sortes. Le prix du fer est au plus bas. Le déficit des finances publiques, abyssal et le service de la dette risque de leur porter un coup fatal. Si jamais l’on se hasardait à le respecter. Les recettes du Trésor ? Au plus bas.  Les sociétés publiques ? Elles agonisent, les unes après les autres. Tasiast ? Dans le viseur du gendarme et de la bourse américaine. MCM ? En passe de mettre la clé sous la porte. Quant au népotisme, il atteint des sommets. Les marchés publics sont l’apanage d’une petite minorité qui n’en fait qu’à sa tête. Toujours omniprésente, la gabegie s’est faite plus sélective. L’éducation est dans un tel degré de déconfiture que le gouvernement a décidé de vendre les écoles au privé, pour en faire des boutiques. Le domaine public est devenu la chasse gardée d’une sorte de goule qui entreprend de dépecer le moindre espace ouvrant sur grande avenue.  Avec un secteur de la Santé sur le point de rendre son dernier souffle, l’épidémie de dengue, Chikunguniya ou fièvre du rift terrasse Nouakchott,  sans que la moindre alerte ne soit donnée. Celui de la Pêche est, depuis de longues années, en sursis. Nouakchott, chaque hivernage, se noie entre eaux usées et pluies. L’assainissement renvoyé aux calendes grecques. Les banques pullulent, sans que cela n’ait le moindre impact positif sur notre économie moribonde. Le FMI donne, lui, des signes d’énervement devant les chiffres qu’on lui avance, fort loin de refléter la réalité économique du pays. Quant à la SOMELEC, elle s’entête à nous fournir l’électricité au compte-gouttes. Et la TVM, à nous désinformer.
La coupe est pleine, certes, mais rien n’est trop rebutant pour notre Super-Guide-Eclairé. Il a trouvé la formule magique pour réduire tous ces problèmes à néant.  Après s’être, enfin, rendu compte que son équipe n’avait rien à faire à Nouakchott, incapable qu’elle est de nous sortir de « ses » mauvais pas,  il l’a envoyée, au grand complet, vadrouiller à l’intérieur du pays, pour y expliquer les « bienfaits » du mono-dialogue entre son parti et les partis satellito-cartables. L’opposition ayant, elle, définitivement tourné la page. Cela n’a pourtant empêché les missionnaires de l’attaquer à tout bout de champ. Pour l’un d’entre eux, « ceux qui boycottent le dialogue ne sont qu’une infime minorité d’opposants ». Pour un autre, « le fait de boycotter le dialogue constitue un danger pour l’unité nationale ».  Insistant tous, cependant, sur un même point : la Mauritanie vit une crise et seul le dialogue pourra la sortir de l’ornière. Quelle crise, quelle ornière ? Ne nous a-t-on pas toujours rabâché que le pays se porte comme un charme et qu’il n’y a de crise que dans l’imaginaire d’opposants aigris ? Un nouvel élément qui s’ajoute à la longue liste de contradictions que nous vivons depuis 2008. On attend le rideau final. Rongé qu’il est par  tant de calamités, il ne devrait pas être très joli à voir…
                                                                                               Ahmed Ould Cheikh

dimanche 4 octobre 2015

Editorial: A la mauritanienne...


Après la « conférence tam-tam », organisée, du 7 au 14 Septembre, au Palais des congrès, où l’UPR – PRDS version Aziz – a discuté avec lui-même de « toutes les questions d’intérêt national », voilà que des ministres et des conseillers sont envoyés à l’intérieur du pays pour expliquer ce qu’a été et ce que sera le futur dialogue. Il est, en effet, prévu un nouveau  monologue à partir du 10 Octobre prochain. C’est, du moins, ce qu’ont recommandé les « rencontres préliminaires au dialogue national », dans leur communiqué final. En prenant cependant soin d’inviter le reste de forces politiques à se joindre à la grande messe qui décidera de notre avenir pour les prochaines années… ou décennies, qui sait.
L’opposition ayant déjà opposé une fin de non-recevoir à tous les appels du pouvoir, échaudée qu’elle est par les expériences précédentes, on voit mal ce qui pourrait l’amener à changer son fusil d’épaule d’ici le 10 Octobre.  A moins d’un revirement, aussi spectaculaire qu’improbable, de la part d’Aziz, les chances sont quasiment nulles de voir l’opposition ‘’faire amende honorable’’ et accepter d’avaler des couleuvres d’au moins aussi grosse taille de celles qu’on lui fit ingurgiter à Dakar, en 2009. Le fossé est à ce point béant qu’il serait illusoire de parier la moindre ouguiya sur une décrispation de la scène politique avant 2019, au moins.
Dans ces conditions, pourquoi Aziz s’acharne-t-il à vouloir imposer « son » dialogue, alors que son deuxième mandat vient à peine de commencer et qu’il dispose d’une confortable majorité au Parlement ? Une Majorité dont la majorité commence à donner des signes d'énervement devant le peu de considération dont elle est l'objet de la part d'un pouvoir qui ne lui concède même pas des miettes. S'il n’a pas d’idées derrière la tête, pourquoi ne se contente-t-il pas d’accomplir posément son mandat, pour se retirer le plus tranquillement possible ? Aurait-il besoin, pour ce faire, d’une bouffée d’oxygène ? Il est vrai que les années d’abondance sont derrière nous : le déficit des finances publiques touche aux abysses, la récession pointe son nez, la politique du tout-Etat a atteint ses limites, les scandales gestionnaires se multiplient, le népotisme devient la norme…
Notre Raïs viserait-il plus loin ? Le peuple burkinabé, qui a chassé un président aspirant à un troisième mandat  et mis en échec un coup d’Etat, devrait cependant donner à réfléchir à tous ceux qui se croient indispensables, supputant qu’après eux, ce serait le déluge… Quelque chose est en marche en Afrique et c’est, de moins en moins,  au pas cadencé – avec tout ce que cela comporte de contretemps, hésitations et embouteillages. Les gens, ceux qui partagent les mêmes soucis triviaux du quotidien, se parlent désormais, réfléchissent, pèsent les discours et les actes de ceux qui prétendent les faire aller à leur botte ou les représenter, dans des dialogues et des non-dialogues à n’en plus finir. Les entendez-vous, messieurs et dames des cénacles politiques ? Cela se passe aujourd’hui, au Burkina Faso. Et dans combien jours, à votre avis, en Mauritanie ? Si ce n’était pas, déjà, ici aussi en route. A la mauritanienne, Aziz et consorts, à la mauritanienne…
                                                                                                      Ahmed Ould Cheikh