samedi 22 mars 2025

Editorial: Le dialogue, une nécessité nationale

Le climat international se tend, des positions extrémistes, notamment en ce qui concerne la libre circulation des biens et des personnes, se développent : sans conséquence sur notre quotidien mauritanien ? Les informations qui nous parviennent et que nous nous faisons le devoir de rapporter dans toute la diversité de leur expression démontrent tout le contraire. Propulsée par des difficultés économiques croissantes en Afrique sahélienne, la problématique migratoire amène des mesures vexatoires à l’encontre des étrangers subsahariens venus chercher, auprès de nous, de meilleures conditions d’existence et cette politique protectionniste a des retombées sur certaines de nos propres populations variablement intégrées dans notre organisation nationale. De fait, c’est bel et bien la question des inégalités raciales qui se retrouve aiguisée et la communauté haratine ne manque pas de le remarquer, en rappelant l’urgence d’en finir enfin avec l’esclavage et ses séquelles. Ce n’est à proprement pas parler d’arsenal juridique à l’encontre de ces plaies – il est déjà relativement bien développé – mais beaucoup plus de volonté politique et plus encore de prise de conscience, chez tous les mauritaniens, particulièrement ceux qui sont aux commandes, de la nécessité de partager réellement le pouvoir et les richesses de notre nation. La solution serait-elle, a contrario, de favoriser l’immigration maghrébine pour contrer la montée de l’Afrique noire ? Bref et abruptement, troquer notre ancestrale fonction de trait d’union entre les deux bilads contre une position d’affrontement ? Mais à qui profiterait au final une telle attitude ? Notre sous-sol et ses richesses font l’objet de bien des convoitises et rien de plus excitant pour celles-ci que l’entretien de situations conflictuelles au sein de notre nation. C’est précisément à ce point de réflexion que se présente l’opportunité d’un nouveau dialogue entre toutes nos composantes politiques et civiles. Non pas, bien évidemment, que le dossier racial soit le plus central à discuter – la pauvreté touche tout le monde, tout comme la corruption, la gabegie et les dessous-de-table… – mais il est assez volumineux pour inciter les plus nantis – et paradoxalement donc, les plus exposés aux conséquences de remue-ménages intempestifs – à se plier aux conditions d’un dialogue vraiment ouvert, sincère et inclusif, n’excluant aucun sujet. Ce n’est pas seulement à conclure : à bon entendeur, salut ! C’est toute la nation qui y appelle. Ahmed ould Cheikh

samedi 15 mars 2025

Editorial: Il faut sauver la MAI

Arrivés comme prévu à l’aéroport de Las Palmas, le vendredi 7 Mars, pour prendre le vol de la Mauritania Airlines à destination de Nouakchott, les passagers qui avaient libéré leurs chambres d’hôtel et épuisé leurs frais de séjour ont eu la désagréable surprise de se voir notifier que l’avion qui devait les transporter n’arriverait que dimanche. En vertu des lois qui régissent le transport aérien, ils auraient dû être pris en charge par la compagnie, logés, nourris jusqu’à leur départ et même indemnisés. Mais notre compagnie nationale semble ignorer ou refuse d’appliquer ces textes. Les passagers n’auront même pas droit à un mot d’excuse. Et ce n’est pas la première fois. La MAI a sans doute la politique commerciale la plus pourrie de tout l’Univers. Et que dire de sa gestion ? Comment une compagnie qui dispose de six avions (dont quatre dans un état presque neuf, deux Boeings et deux Embraers) peut-elle se retrouver du jour au lendemain sans aucun aéronef en mesure de voler ? « Gouverner, c’est prévoir », dit-on. Pourquoi n’a-t-elle pas prévu que les avions totalisant un certain nombre très précis d’heures de vol doivent nécessairement aller en révision ? N’a-t-elle pas les moyens de faire face à ces charges ? Où vont les milliards qu’elle encaisse ? Sa situation serait devenue, dit-on, si proche du coma qu’elle navigue désormais à vue, vivant au jour le jour d’expédients et se contentant de louer des avions pour assurer ses dessertes. Elle a pourtant tout pour réussir : des avions qui lui appartiennent et qui ne lui ont rien coûté, des lignes rentables et un personnel qualifié… mais il lui manque l’essentiel : un pilote. Ahmed ould Cheikh

vendredi 7 mars 2025

Editorial: Pas de loi antitrust en Mauritanie : un diktat de quel pouvoir ?

On s’étonne à bon droit de l’incohérence politique que cela implique : on ne peut pas prétendre mettre fin à l’incurie et la corruption… tout en entretenant les conditions qui les génèrent. Car c’est bel et bien le pouvoir actuellement en place qui a élevé Mohamed Zeïne El Abidine Cheikh Ahmed au rang d’homme d’affaires privilégié. Œuvre de Mohamed ould Abdel Aziz ? Certes mais le successeur de celui-ci n’en a pas non seulement perpétué la démarche mais l’a encore amplifiée, alors que s’accumulaient les preuves des insuffisances dudit personnage. J’évoquais la semaine dernière ses « manquements » dans l’exécution du projet « Aftout ech-Chargui » et les « indulgences » dont l’AFD l’avait gratifié. Cette semaine, c’est « Le Quotidien de Nouakchott » qui fait état des « largesses » de l’État mauritanien qui confie à sa trouble société de génie civil BIS TP la réhabilitation et de l’extension des écoles de la commune de Toujounine. Pour 908 millions MRO. Comme si de rien n’était. On me rétorquera que ces « faveurs » ne lui sont pas exclusives, à proprement parler, puisque d’autres sociétés – la PME de génie civil TCC, Electotech SA et Best Buy – vont se partager quelque mille six cent vingt millions MRO sur le projet de réhabilitation et d’extension de cent trente-deux infrastructures scolaires de Nouakchott, piloté par Taazour. Mais, quand on constate l’ampleur des activités déployées par l’affairiste – ainsi que le souligne avec pertinence notre estimé confrère : informatique, secteur bancaire, génie civil, hydrocarbures, télécoms, électricité, médias, énergies etc. – on soupçonne bien, là-dessous, une volonté de préserver les intérêts d’un système profondément incrusté dans le fonctionnement de notre République. Bref, le pouvoir affiché va devoir faire des choix. Continuer à faire « comme si de rien n’était » et s’exposer, preuves à l’appui – comptez là-dessus sur nous ! – à une réprobation croissante envers ces « irresponsabilités protégées » réduisant ses promesses à de vulgaires slogans vides de sens ; ou bien s’attaquer clairement aux insuffisances dans l’exécution des contrats du patron des patrons avec l’État. Si celui-là n’est pas un simple homme de paille de celui-ci – et cela pose évidemment des questions plus troublantes encore… – on apprendra alors vite que ces insuffisances tiennent surtout de l’omniprésence de cet homme sur le marché des affaires. « On ne peut pas être à la fois au four et au moulin », rappelle un célèbre dicton populaire français. Est-ce pour cette raison qu’apparut en 1890 aux USA la première loi antitrust au monde ? C’est peu probable mais une chose est en tout cas certaine : c’est bien celle-ci qui initia leur développement… Ahmed ould Cheikh

vendredi 28 février 2025

Editorial: Expédients coûteux… mais manifestement sans lendemain

On s’en doutait un peu, pour ne pas dire que cela ne faisait aucun doute : l’aide française au développement est une arme diplomatique en Afrique. Pas que française, au demeurant, mais c’est bien aujourd’hui la France qui est sur la sellette dans les rapports de l’AFD avec le pouvoir en Mauritanie, dernier régime du Sahel à n’avoir pas tourné le dos à l’ex-colonisatrice. En cause, les vingt-deux millions d’euros balancés par ladite agence au profit théorique du mirifique programme de l’Aftout ech-Chargui, ce fameux projet-phare d’adduction d’eau potable au bénéfice tout aussi théorique de cent cinquante mille personnes du Sud mauritanien et dont l’ONG mauritanienne Transparence Inclusive avait, il y a un an déjà, dénoncé le total fiasco, ainsi que nous l’évoquions dans l’éditorial du N°1375 (14/02/2024) de notre journal. La « nouveauté », si l’on peut dire, c’est que l’on sait aujourd’hui à quel point l’AFD s’est, en cette aventure, distinguée dans l’irrespect de ses propres règles de contrôle, décaissant l’intégralité des fonds prévus avant même la fin officielle du chantier, négligeant de réclamer la moindre pénalité de retard, après avoir accordé des rallonges substantielles pour des « améliorations »… déjà inscrites dans le cahier initial de charges ! Certes, la campagne « Publish what you fund », qui publie chaque année un indice évaluant la transparence des organismes d’aide au développement dans le Monde a déjà épinglé l’Agence française, en la classant à une peu glorieuse 35ème place sur cinquante mais on se demande tout de même au nom de quels « principes » – humanistes ? – la patrie des droits de l’Homme et du Citoyen a laissé pour sa part passer ces étranges « manquements »… D’aucuns subodorent une complicité à tout le moins passive avec le système – très actif, lui – de corruption en Mauritanie et, un cran tout de même en dessous, au Sénégal, puisque les deux sociétés qui ont surtout bénéficié de ces « indulgences » sont respectivement dirigées par un mauritanien et un sénégalais : BIS TP, par le décidément sulfureux Zeïne El Abidine ould Cheikh Ahmed – mais néanmoins toujours président de l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM)… – et la Compagnie Sahélienne d’Entreprises (CSE) par Oumar Sow qui s’évertue aujourd’hui à se dégager de projets extérieurs à son pays et en conséquence difficilement contrôlables (c’est le moins qu’on puisse dire en ce concerne ceux engagés en Mauritanie). Et qu’ont donc en commun ces deux hommes si apparemment différents ? On ne voit guère que leur proximité avec le chef de l’Etat de leur pays respectif, durant le projet Aftout ech-Chargui : Mohamed Ghazouani, pour le premier, et Macky Sall, pour le second. Variablement francophiles, certes, mais tout aussi attentifs à recueillir le beurre de la mamelle hexagonale… Et c’est avec de tels coûteux expédients que la France entend se refaire une santé au Sahel ? Ahmed ould Cheikh

vendredi 21 février 2025

Editorial: Corruption et magouilles, encore et encore…

Confortablement assis dans son fauteuil à regarder un match de foot à la télé, sa douce moitié à son côté, il était loin de s’attendre, ce paisible citoyen, à ce que sa soirée puisse se transformer subitement en cauchemar, quand un bip l’incita à consulter l’application ‘’Houwiyeti’’ (mon identité) qu’il avait récemment installée sur son portable. Un message simple et succinct l’informant en peu de mots que son acte de mariage avait bel et bien été établi. Manquant de s’étrangler, il ne peut s’empêcher de se tourner vers sa dame qui, finaude, aperçoit illico son trouble, jette sans tarder un coup d’œil… puis les deux !... sur la petite note apparemment si anodine et la voilà aussi sec sur ses grands chevaux ! Et pour cause, l’épouse mentionnée sur l’avis de justes noces… ce n’est pas elle ! « C’est qui, cette traînée ? », rugit-elle. « Mais… mais », tente-t-il de se justifier, « je ne la connais ni d’Ève ni d’Adam, celle-là ! – Ha oui ! Tu me prends pour qui ? » Et les noms variablement fleuris volent en tous sens… Nuit agitée. Au matin, le digne époux parvient cependant à convaincre sa légitime de l’accompagner dans les bureaux de l’Agence des Titres Sécurisés pour tirer cette incroyable affaire au clair. Voilà comment ces deux braves personnes ont ouvert une véritable boîte de pandore. Une enquête a été ouverte sans délai. Elle a déjà permis de découvrir deux cent cinquante falsifications d’actes de mariage établis pour des quidams en souffrance de visa Schengen. Un réseau apparemment bien huilé qui négocie ces sésames au prix fort – jusqu’à deux millions MRO ! – et opère depuis quelques années au vu et au su de tous. Mais personne ne pouvait imaginer que ces faussaires pouvaient aller jusqu’à falsifier un acte de mariage pour une personne dont le (ou la) « conjoint(e) » a déjà personnellement obtenu un ou plusieurs visas et retrouvant ainsi garant(e), par simple paperasse interposée, de la demande de celui ou celle qu’il (ou elle) ne connaît en aucune façon. Douze personnes ont été placés sous mandat de dépôt et trois autres sous contrôle judiciaire, en attendant la fin d’une instruction qui risque ne pas dévoiler tous les contours de cette scabreuse affaire. Pour un acte de mariage falsifié, combien d’autres sont passés sous le boisseau ? Quoique fasse l’Agence et malgré toutes les précautions, des indélicats poussés par l’appât du gain trouveront toujours un moyen de déceler une faille qui leur permettra de réaliser leurs sombres desseins… Ahmed ould Cheikh

samedi 15 février 2025

Editorial: la bataille des ordures

Comme si les coupures d’eau et d’électricité ne suffisaient pas. Voilà que des incendies entrent dans la danse macabre. Et pas n’importe lesquels : ceux de tonnes d’ordures accumulées en plein centre-ville, qui plus est entre deux hôpitaux : le CHN et celui de traumatologie. Une scène digne de l’Apocalypse. La fumée et l’insoutenable odeur empestent l’air de tout le voisinage et même au-delà. Les pompiers sont intervenus, semble-t-il plusieurs fois, mais le feu reprend inlassablement. Comme pour l’eau et l’électricité, le problème vient de loin. Il met présentement en cause la Société Mauritanienne de Transport des Déchets (SMTD) chargée, en fin de règne d’Ould Abdel Aziz, d’organiser durant cinq ans la récolte et le transport de nos ordures. Un pactole de 5,7 milliards de nos MRO qui permit, entre autres, à son principal actionnaire, Zeïne El Abidine ould Cheikh Ahmed, le patron des patrons, de s’assurer une transition en douceur entre les deux représentants de l’armée au pouvoir. Mais en dépit des dénégations de ladite société assurant avec véhémence de la qualité de ses prestations durant ces cinq dernières années, les dépôts sauvages d’ordures se sont accumulés aux quatre coins de Nouakchott. Un constat accablant qui n’aura certainement pas été pour rien dans l’exclusion de l’offre de la SMDT lors de l’attribution du nouveau marché relatif à la collecte et au transport des déchets solides de notre capitale nationale au Centre d’enfouissement technique. Cette fois fixé à 7,5 milliards d’ouguiyas, le pactole a été attribué, à la mi-Janvier dernière, à une entreprise marocaine, SOS Nouvelle Dynamique Durable (SOS NDD) mais Zeïne El Abidine s’est enragé à faire annuler, une semaine plus tard, cette décision au niveau de l’Autorité de Régulation des marchés publics (ARPM). A priori, la SMTD ne devrait pas pouvoir postuler au nouvel appel d’offres, son exclusion du premier ayant été confirmée par cette même Autorité. Des tractations en sous-main n’en sont pas moins en cours… Et, pendant ce temps-là, les Nouakchottois suffoquent… Ahmed ould Cheikh

vendredi 7 février 2025

Editorial: Petits détails et grandes conséquences…

Chaque fois que la Mauritanie révise et améliore son code d’investissement, le climat de celui-ci ne s’améliore pas pour autant et les investisseurs ne se bousculent pas au portillon. Une zone franche a été établie à Nouadhibou et… rien n’a changé. Un organisme de promotion des investissements a été fondé à Nouakchott et… rien n’a changé. Car pour encourager ceux-ci, il ne suffit pas de promulguer des lois générales, quelles que soient les incitations qu’elles contiennent. Il faut aussi veiller à ce qu’il y ait un climat psychologique, administratif et judiciaire qui garantisse la tranquillité. À commencer par celle de l’investisseur, en l’assurant de ce que ses placements ne seront pas soumis à l'arbitraire de l'administration, des impôts, de la police ou de la justice. À cet égard fort instructif, l’exemple de ce financier du Golfe qui avait entendu parler, il y a des années, de la fondation d’une zone franche à Nouadhibou. Il se rendit en Mauritanie chez un de ses amis, avec l'intention d'investir dans le tourisme balnéaire, une activité qu’il avait déjà menée avec succès en d’autres pays. Arrivé à Nouakchott, il avait choisi de rejoindre tranquillement Nouadhibou par la route avec son ami pour découvrir le pays. Mais à peine sorti de l’aéroport Oum Tounsi, les tracas commencèrent au premier poste de police où on lui demanda de remplir les mêmes fastidieuses formalités d’accueil qu’il venait juste d’accomplir à sa sortie de l’avion. Un peu énervé, il obtempéra cependant poliment aux injonctions de l’agent. Puis la multiplication des contrôles tout au long du chemin acheva de lui faire perdre tout enthousiasme à investir chez nous… Résultat des courses, il ne fit qu'une rapide visite de courtoisie à Nouadhibou et retourna dans son pays. Un autre investisseur du Golfe se contenta, lui, d’un bref séjour à Nouakchott. Il comptait construire à Nouadhibou une usine chargée d’importer, transformer et conditionner des huiles pétrolières de son pays, avant de les commercialiser auprès des entreprises locales de pêche et d'exploitation minière, afin de répondre aux besoins de notre marché et celui de la sous-région. S’informant alors auprès d’un responsable de l’APIM ( l’agence chargée de promouvoir les investissements) sur le droit mauritanien des affaires, les procédures de gestion, les règles d'import-export et de commercialisation, etc., la piètre qualité des réponses de celui-là ne fut guère relevée par l’étrangeté de son dernier conseil : « Si vous rencontrez un problème, comptez sur nous pour vous aider à le résoudre ». Très près peu enclin à se suffire d’une garantie si « personnalisée », le prudent homme d’affaires préféra retourner at home… Il existe de nombreux autres exemples de telles brèves déconvenues qui ont suffi à décourager les plus entreprenants. Pour produire un climat d’investissement confortable et attrayant, il faut, au-delà de l’élaboration et l’affinement de textes légaux clairs et précis, mobiliser tout-à-la-fois des spécialistes vraiment compétents en divers domaines, juridiques, administratifs et sociaux, ainsi qu’en celui des relations publiques, tous attentifs à coopérer pour le bien commun. Ahmed ould Cheikh