vendredi 29 août 2025

Editorial: Ras-le-bol

 Depuis quelques jours, une affaire de mœurs qui s’est déroulée à Nouadhibou enflamme les réseaux sociaux. Los d’une cérémonie de mariage où l’argent coulait à flots, deux hommes, pas très réguliers sur les bords et sans doute emportés par leur élan, se sont donné la bise. Et même plus, selon certains. Au vu et au su de tous ! Il n’en fallait pas plus pour que la Toile s’embrase. Pour certains, la société est devenue tellement permissive qu’il est désormais possible de s’adonner à de telles pratiques en public sans craindre d’être voué aux gémonies. Pour d’autres, la coupe est pleine, plus rien ne peut surprendre, l’impunité est devenue la norme.. Et l’État croise les bras au moment où les comportements déviants ont tendance à devenir monnaie courante et ceux qui les pratiquent pignon sur rue ! Ils ont voix au chapitre et leur influence ne cesse de grandir. Mais, comme pour couper court à toutes ces rumeurs, la justice s’est saisie de l’affaire. Nos deux larrons ont été épinglés l’un à Nouadhibou, l’autre à Nouakchott. Ils seront entendus par un juge et sans doute déférés… si la procédure suit son cours normal. Mais gageons qu’il n’en sera rien. Leurs protecteurs – et il y en a à tous les niveaux… – ne manqueront pas de se manifester pour faire clore le dossier et permettre aux impudiques d’échapper à un procès, le premier du genre, qui ne manquerait pas d’être retentissant. Il y a, en tout cas, comme un ras-le-bol et, si chacun a effectivement le droit de mener son intimité comme il le veut – C’est Dieu seul qui en jugera… – il doit cependant respecter la loi du public, telle qu’elle est clairement définie en Islam. Notre république n’est-elle pas islamique ?

                                                         Ahmed ould cheikh 

mercredi 27 août 2025

Editorial: Silence, on pille!

 Aly ould Bakar, un lanceur d’alerte, a été arrêté il y a quelques jours à Nouadhibou. Déféré en prison, il s’est retrouvé, tête rasée, au milieu de prisonniers de droit commun à la mine patibulaire, sans rien comprendre à cette situation ubuesque. Son crime ? Avoir dénoncé le pillage systématique de nos ressources halieutiques par des bateaux turcs disposant de complicités à divers niveaux qui leur garantissent l’impunité. Il y a quelques mois, « Le Calame » avait pourtant publié des images de ces mêmes bateaux naviguant dans des zones interdites réservées à la reproduction. Délestés de leurs balises qui permettent aux garde-côtes de suivre leur parcours en temps réel, ces trafiquants s’adonnent à leur forfait et rentrent au bout de quelques heures, les cales remplies à ras bord de poissons de qualité. Nos images et informations nous avaient été fournies par des opérateurs du secteur, révoltés par cette situation. Ce qui conforte les observateurs est que d’autres bateaux turcs, obligés de respecter les zones de pêche qui leur ont été allouées en vertu de la nouvelle réglementation, ont été obligés de plier bagages et d’aller voir ailleurs, leur pêche n’étant plus rentable. Seuls six à sept chalutiers « chanceux » sont restés dans nos eaux. Et, apparemment, il n’est pas bien vu de les dénoncer. Ould Bakar l’a appris à ses dépens. Avis à ceux qui seraient tentés de prendre le même chemin : mieux vaut assister en spectateur à l’innommable que de se retrouver derrière les grilles ! Bay Pekha, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Le secteur pour lequel tu t’es battu toute ta vie est en train de partir à vau-l’eau.

 

                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 16 août 2025

Editorial: Urgence routière

 La vidéo a fait le buzz sur la Toile, la semaine dernière. On y voit un motard étranger, caméra vissée sur le casque, slalomer entre les trous béants de la route Nouadhibou-Nouakchott (qu’il serait injuste de nommer nids de poule, tant ils sont énormes), faire des commentaires genre « la route la plus mauvaise du Monde » et plaindre les nombreux usagers de cet axe obligés de vivre un véritable calvaire. Et pourtant, elle tourne ! Ce qu’a divulgué ce blogueur du dimanche n’est que la stricte vérité. Nos routes sont dans un état déplorable. Si l’on excepte la route Nouakchott-Rosso construite par une société française, sur financement de l’Union européenne et donc selon de strictes normes, les autres se détériorent à la vitesse grand V. Les axes Nouakchott-Nouadhibou, Akjoujt-Atar, Nouakchott-Boutilimit, Aleg- Boghé et autres n’ont plus de routes que le nom. Il suffit de demander à ceux qui les empruntent tous les jours pour se rendre compte que le tourisme intérieur cher à notre Président ne sera pas de tout repos. À qui la faute ? À l’État qui attribue les marchés à des sociétés techniquement défaillantes et n’ont aucun respect pour les délais ? Aux bureaux de contrôle qui font preuve de complaisance, en n’exigeant aucune conformité avec les cahiers de charges ? Aux prix appliqués avec lesquels il est impossible d’exiger un travail de qualité ? Il est plus que temps d’envisager des états généraux des routes pour établir un diagnostic sans complaisance de la situation et lui trouver des solutions radicales. L’hécatombe qu’on voit tous les jours ne peut plus attendre. Le dialogue politique, oui, sans aucun doute !

                                                                Ahmed ould Cheikh

jeudi 7 août 2025

EDitorial: Du mépris européen à l’amabilité asiatique

 Rarement une décision des hautes autorités aura suscité autant d’avis favorables. En conseillant aux ministres et aux fonctionnaires de passer leurs vacances auprès des leurs à l’intérieur du pays, le président de la République a mis le doigt sur une véritable plaie. Cette invite permet non seulement d’éviter une saignée de devises dont profitent les pays où ces messieurs et dames se rendent trop souvent en villégiature mais elle aura également des effets bénéfiques sur nos villes de l’intérieur. D’ailleurs la tendance est nette. Certaines villes d’Espagne et du Maroc habituées à recevoir chaque été des milliers de touristes mauritaniens affichent vide. Cela ne manquera pas d’avoir des impacts négatifs sur leur immobilier, restauration et commerce, en général, mais ne sera certes pas une mauvaise chose pour nous. Il n’est en effet pas normal que des pays dont les ambassades ne respectent guère les demandeurs de visas continuent à profiter de nos concitoyens en les suçant jusqu’à la moelle.

À cet égard, ce qui se passe depuis quelques mois à l’ambassade d’Espagne dépasse l’entendement. Pour seulement obtenir un rendez-vous, il vous faut débourser jusqu’à 200.000 MRO à des intermédiaires de l’agence chargée, par l’ambassade, de la réception des dossiers de visas. Et une fois obtenu ledit rendez-vous, commence un autre feuilleton, celui de l’ambassade qui garde les passeports pendant deux mois, ne décerne les visas qu’au compte-gouttes et rejette les dossiers pour trois fois rien. Et si jamais vous obtenez, par le plus pur des hasards, le fameux sésame, vous n’êtes pas sûrs de fouler le sol espagnol : un policier à qui votre tête ne revient pas peut décider unilatéralement de vous refouler. L’Europe ne nous est plus accueillante ? Dont acte qu’on aurait bien l’intelligence de pousser plus loin, en n’achetant plus européen : l’Asie est tout-à-fait en mesure, désormais, de pourvoir à tous nos besoins… en attendant que nos propres investissements, à demeure, nous ouvre de nouveaux horizons.

 

                               Ahmed ould Cheikh

samedi 19 juillet 2025

Editorial: Victoire ou mise en scène

 À l’instar de quatre de ses pairs africains, le président Ghazouani a déféré à l’invitation de son homologue américain, l’inénarrable Donald Trump. La rencontre et ses différentes péripéties ont fait couler énormément d’encre et de salive. Pour certains, l’invitation est en elle-même une victoire diplomatique pour ces cinq pays triés sur le volet dont les USA veulent se faire des partenaires et dont le choix a suscité bien des jalousies. Il n’est, en effet, pas donné à tout le monde de recevoir autant d’égards de la première puissance économique et militaire mondiale. Plus critiques, d’autres y sont allés de leurs commentaires parfois acerbes. Souvent anonymes, des chroniqueurs n’ont pas mâché leurs mots : «mise en scène», «convocation» et même « humiliation ». Feignant d’oublier un fait essentiel et inédit : si la télévision n’avait pas transmis en direct le contenu des entretiens entre les présidents, personne n’aurait su ce qu’ils se sont dit et cette diarrhée verbale n’eût jamais existé. Face à un Trump égal à lui-même et sans peu de considérations envers les usages diplomatiques, les présidents africains ont été loin d’être ridicules. Ils ont présenté leur pays respectif, leurs potentialités et appelé à une coopération fructueuse avec l’Oncle Sam. Un premier pas a été ainsi franchi. On attend la suite qui sera, on l’espère, bénéfique pour nos pays.

                                                             Ahmed ould Cheikh

vendredi 11 juillet 2025

Editorial: Comme un air de sabotage

 Après les ponts dits de l’Amitié, Taazour et El Haye Sakine, dont Nouakchott avait tant besoin pour désengorger une circulation devenue infernale, le président de la République a inauguré la semaine dernière plusieurs infrastructures, notamment la deuxième phase du projet Aftout ech-Charghi, une école dédiée aux métiers des mines, deux nouveaux sièges pour la protection civile et la direction générale des Archives nationales. Pour un pays comme le nôtre, encore en retard dans le domaine des infrastructures, on ne peut qu’applaudir, même s’il reste beaucoup  à accomplir, notamment dans les secteurs de l’eau et de l’énergie. Il n’est, en effet, pas normal qu’au 21ème siècle et malgré les énormes moyens mobilisés, aucune ville mauritanienne n’est autosuffisante en eau et électricité, y compris Nouakchott. Pire, des projets financés à coup de milliards sont souvent sabotés. Vous voulez des preuves ? En voici ! La réalisation de la première phase du projet Aftout ech-Charghi qui devait alimenter des dizaines de villages en eau potable s’est révélée catastrophique. Et lorsque le responsable d’une ONG a dénoncé cette situation, preuves à l’appui, il s’est retrouvé en prison. Financé gracieusement par la Chine, le pont de l’Amitié n’a rien à voir, question qualité, avec les deux autres ponts pour lesquels l’État a débloqué des milliards. Les amphithéâtres de l’Université deviennent une passoire à la première goutte de pluie. La faute à qui ? Aux cahiers de charges mal élaborés ? Aux bureaux de contrôle qui ferment les yeux ? Aux ministères qui débloquent les paiements sans s’assurer de la capacité de service ? Il y a en tout cas comme un air de sabotage dont n’hésitent pas à profiter certains. Jusqu’à quand ?

 

                                                            Ahmed ould Cheikh

vendredi 4 juillet 2025

Editorial: Panne de convivialité

À Teyarett, un des quartiers populaires de Nouakchott où la criminalité est minime, en comparaison de certaines moughataas où il ne fait pas bon mettre le nez dehors, à partir d’une certaine heure de la nuit, une jeune femme descend d’un taxi en pleine journée. Son sac accroché à l’épaule, elle se croit plus ou moins en sécurité, ne sachant pas que deux lascars à moto la suivent de près. Arrivés à sa hauteur, l’un d’eux lui arrache son sac d’un mouvement brusque. Le temps de se retourner et voilà qu’à deux pas d’elle, les bandits sont fauchés par une voiture ! Ils s’écroulent. L’un meurt sur le coup et l’autre sera transporté à l’hôpital, grièvement blessé. Choquée, elle récupère son sac et poursuit son chemin. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres… Les vols à l’arraché ou à main armée, les viols et assassinats sont devenus le lot quotidien de plusieurs quartiers de la capitale. Malgré les efforts de la police, les patrouilles nocturnes de la Garde et de la gendarmerie, l’insécurité ne cesse de gagner du terrain ; jusqu’en en plein jour, comme on l’a vu. Pourtant les violons des commissariats et les maisons d’arrêt ne désemplissent pas. C’est que le mal est profond. Ruraux jusqu’à une date récente, les Mauritaniens n’ont toujours pas assimilé que la sécurité, en ville, implique des règles spécifiques dans le comportement et les réflexes. Tout comme le manque d’instruction, l’ennui, le manque de repères et de ressources, dans un univers où la hiérarchie de l’être, c’est d’abord celle du pouvoir de consommation, forment un terreau favorable à la délinquance… Dépassés par la rue, les parents démissionnent d’autant plus vite qu’aucune organisation de quartier ne se développe. Un cocktail au final explosif dont on n’éteindra pas les risques en se contentant de réprimer ses méfaits. Il y a à rétablir, partout, une convivialité entre le dedans et le dehors, le domicile et la rue, les décisions d’en haut et celles d’en bas, les besoins de la communauté et ceux de chacun, dès son plus jeune âge… Ahmed ould Cheikh