lundi 11 février 2019

Editorial: Assainissement de la Nation?

Ça y est,  le candidat de la majorité, à la présidentielle de Juin prochain, est désormais connu. On le pressentait, depuis longtemps déjà, mais, avec la tentative, heureusement infructueuse, de certains députés de tripatouiller la Constitution pour ouvrir la voie à un troisième mandat, il était passé au second plan. Avant un retour, tout en douceur, sur le devant de la scène. Pour faire passer le message, Ould Abdel Aziz, tout frais émoulu d’une escapade émiratie pas si innocente que ça, n’a pas attendu le congrès de l’UPR, prévu le 2 Mars. Un parti qu’il a pourtant fondé ex nihilo mais à qui il ne voue, manifestement pas, une grande estime. Recevant quelques députés, il leur a signifié sa préférence. Juste ce qu’il fallait pour que les flagorneurs commencent à baver. Certains, engagés à fond, jusqu’alors, pour un troisième mandat, n’hésitent pas à retourner leurs plumes pour vanter les mérites d’un homme « qui ne peut être que le meilleur, puisqu’il a été choisi, par le Président fondateur, pour continuer l’œuvre de construction nationale » (sic). Est-il écrit « quelque part », que nous ne sortirons  jamais de ce cercle vicieux de la flagornerie, du mensonge et de l’aplatissement ?  Qui sera-t-il, le futur président aura, en tout cas, beaucoup ; beaucoup grain à moudre, s’il veut nous débarrasser de ces tares. Et beaucoup de travail, pour redresser une économie moribonde, résorber le chômage, payer notre dette, colossale ; trouver des solutions aux problèmes de l’éducation et de la santé, instaurer une réelle justice sociale, mettre fin à la gabegie et au favoritisme. En bref, il faut, au plus vite, neutraliser le « guichet unique » ; plus exactement, le fermer définitivement : c'est la source de toute gabegie, népotisme, clientélisme... une source où s’abreuve la mal-gouvernance qui a miné notre pays, ces dix dernières années, malgré les ressources, gigantesques, engrangées par notre économie, suite, non seulement, au renchérissement des prix des matières premières mais, également, à la dette contractée, sur notre dos, par une équipe d'incompétents et de malhonnêtes, qui n'avaient qu'un seul objectif : obtenir des financements pour faire tourner les sociétés du chef.
Bref, mettre un pays pourri, par tant de pratiques frauduleuses, dont les maigres ressources ont été pillées, au cours des dernières décennies, et qui n’a donc connu aucun répit, sur le chemin de la normalité. Normalité dans l’attribution des marchés publics. Normalité dans les recrutements et les promotions. Normalité dans les décisions de justice. Normalité dans les élections.  Normalité en tout. Serait-ce trop demander ? Le poisson, tout comme les Etats, pourrit par la tête. Une pourriture qui aura suffisamment atteint le nouveau Président, avant son investiture, en Juin prochain, pour espérer poursuivre sa gangrène ? « Ô musulmans, vos dirigeants sont à l’image de vos œuvres », disait  Sheikh Raslan. Une célèbre sentence musulmane, tout aussi reconnue, ailleurs : « Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite », énonçait ainsi, au 19ème siècle, Joseph de Maistre. Ce serait donc en chacun de nous, en chacune de nos œuvres, que se jouerait, d’abord et en définitive, l’assainissement de notre Nation ? 
                                                                                Ahmed Ould Cheikh

dimanche 3 février 2019

Editorial: Tourner la page, enfin !

La Mauritanie a-t-elle frôlé le pire ? Les amendements constitutionnels que certains députés de la majorité s’apprêtaient à proposer puis à faire voter, par l’Assemblée nationale, seraient-ils passés sans encombre ? La rue allait-elle rester impassible, devant une si flagrante violation de la Constitution ? L’opposition toujours à dormir, devant la nouvelle confiscation du pouvoir ? Si une main, pas si invisible que ça, n’avait mis un frein au processus engagé par un bataillon de députés félons, à quoi fallait-il s’attendre ? Rétrospectivement, il y a de quoi avoir froid dans le dos. Imaginez un instant que les députés soient allés au bout de leur initiative et que l’Assemblée ait approuvé, en deux temps, la modification de la Constitution permettant à Ould Abdel Aziz de se présenter à un troisième et, pourquoi pas, quatrième mandat. La bêtise humaine aidant d’autant plus qu’elle est sans limites, qu’aurait-il bien pu se produire, alors ? L’opposition appelle à défendre la Constitution, la jeunesse se mobilise, la rue s’embrase, après quelques jours d’émeutes, l’armée prend ses responsabilités et…. re-re-rebelote, nouvel engrenage enclenché. Exactement comme au Niger et au Burkina. Mais, heureusement, on n’en est pas arrivé là. La raison a fini par prévaloir et le pays semble bien s’acheminer, à ce jour, vers une alternance qu’on espère pacifique. A moins qu’un nouveau soubresaut ne vienne rabattre les cartes. Ould Abdel Aziz n’a-t-il pas dit et répété qu’il respectera la Constitution et qu’il ne se présentera pas aux futures élections, avant de se rétracter et initier, il est vrai indirectement, des démarches à caractère régional, demandant un troisième mandat, et un mouvement de députés pour amender les articles limitant les mandats présidentiels ? Publié dans l’urgence, le communiqué mettant fin audit mouvement, au moment où, coïncidence bizarre, le Président était à l’étranger (ce qui corrobore le fait que la situation était grave), va-t-il enfin sonner le glas du troisième mandat ? Cette fois sera-t-elle la bonne ? On peut en douter, tant l’homme nous a habitués aux voltefaces. Mais le contrôle de la situation n’est-il pas en train de lui échapper ? Ce qui n’est, en tout cas, plus exclu. La donne a apparemment changé. A présent, outre l’hymne national et le drapeau qu’il a changés, ainsi que l’avenue Jemal Abdel Nasser qu’il vient de débaptiser, la seule chose qu’il peut laisser, à la postérité, est de veiller à mettre en place une CENI consensuelle, assurant, aux prochaines élections, la plus grande transparence possible, et remettre le pouvoir à quelqu’un dont l’élection ne sera entachée d’aucune irrégularité. Il est temps que le pays tourne la page de la crise politique ; de l’infernale situation où le pouvoir et l’opposition se regardent en chiens de faïence, où les efforts ne sont pas tournés vers le développement mais vers l’accumulation des richesses, au profit d’une minorité insatiable ; de cette manie à s’occuper de choses futiles, au lieu d’aller à l’essentiel ; de cette personnalisation excessive du pouvoir ; de cette fâcheuse tendance au népotisme qui ne fut jamais aussi prégnant qu’en cette dernière décennie et, pour couper court à la plus navrante des litanies, de tous ces travers qui empêchent le pays d’avancer vers la normalité.
                                                                           Ahmed Ould Cheikh