samedi 16 novembre 2024
Editorial: Un mal indéracinable, vraiment ?
La prévarication et la gabegie ont-elles encore de beaux jours devant elles ? Jusqu’à quand le détournement des deniers publics restera-t-il le sport favori de nos (ir)responsables ? La lutte contre de telles pratiques que tout gouvernement chante à tue-tête ne serait-elle qu’un vain mot ? Deux exemples parmi tant d’autres mettent en tout cas le nôtre au pied du mur. En un, le projet Aftout ech-Chargui, mené d’une « main de maître » (ès tripatouillage) par un groupement de sociétés et dont une ONG nationale a dénoncé la calamiteuse mise en œuvre ; en deux, la réhabilitation du principal quai du port de Nouadhibou, qui serait loin d’être aux normes et dont un journaliste a fait éclater le scandale. De quoi déjà prouver à l’opinion publique qu’il est encore tôt pour crier victoire. Pour ces deux affaires révélées au grand jour, combien d’autres ont été mises sous le boisseau, leurs auteurs protégés ou sommés de payer des montants symboliques… avant d’être réhabilités ?
Il y a urgence en la matière. Nos maigres ressources, dont on a tant besoin au vu de nos incommensurables nécessités, sont en train d’être dilapidées au vu et au su de tous. Et ne demandez surtout pas par qui ni comment : c’est un secret de Polichinelle… Posez-vous plutôt la question du comment y mettre fin. Là se situe le vrai challenge pour le nouveau gouvernement. Sauf s’il finit par se persuader, à l’instar de ceux qui l’ont précédé, que la mission est impossible et baisse les bras. Le mal est en effet tellement enraciné et ses techniques à ce point développées qu’il en est devenu un rouleau compresseur qui broie tout sur son passage. Il faut donc se préoccuper de ses racines. Et où se situent-elles, à votre avis ? Sinon dans notre comportement trop généralisé à ne voir, dans le travail, qu’une source de profit pécuniaire et donc à ignorer, pour ne pas dire mépriser, tout ce qu’il peut générer d’accomplissement personnel… Seul le bien fait engendre le bienfait… et peut ainsi réparer le méfait ? Chiche, Mauritaniens !
Ahmed ould Cheikh
vendredi 8 novembre 2024
Editorial: Ligne de conduite
Depuis quelques jours, une affaire secoue la Toile. Tout a commencé lorsque, dans l’émission « Salon de la presse » sur la chaine TTV, Hanevy ould Dahah évoqua le marché de réhabilitation du principal quai du port de Nouadhibou, attribué à un groupement composé de deux sociétés ; l’une mauritanienne et l’autre turque. Selon Hanevy, les travaux auraient été mal exécutés, menaçant dangereusement cette installation vitale par laquelle transitent tant de marchandises, import ou export. Et notre confrère de s’en inquiéter doublement puisque ledit groupement aurait déjà perçu près de 80% du montant alloué à sa tâche. Levée de boucliers des sociétés attributaires qui menacent de traîner le journaliste en justice… Mais voilà que le port de Nouadhibou annule le marché – histoire de donner raison à TTV ? – et menace de mobiliser la caution de garantie d’un milliard huit cents millions MRO, délivrée par la GBM au profit du duo turco-mauritanien. La banque refuse à juste titre de s’exécuter, considérant que les délais du marché sont dépassés. Après l’expiration d’un contrat, argumente-t-elle, les cautions n’ont plus de raison d’être et deviennent donc sans objet.
Exposée, rappelons-le ici, à l’ire d’Ould Abdel Aziz qui voulait la couler, la GBM était devenue le punching-ball préféré de tous ceux qui voulaient se rapprocher du régime de celui-ci et l’exil de Bouamatou les avait confortés dans l’idée qu’ils avaient les mains libres. Mais la banque, très à cheval sur la réglementation, réussit à survivre et a prouvé, du coup, sa solidité financière. Ni les interventions en haut lieu, ni les tentatives de certains débiteurs essayant de fuir leurs dettes en utilisant des prête-noms, oubliant que la responsabilité juridique ne se délègue pas, n’ont pas empêché la GBM de rester à la hauteur de ses charges, que ce soit en matière de crédit, d’engagement ou de recouvrement de créances. Et ce n’est pas une caution, quel qu’en soit le montant, qui la fera dévier de cette ligne de conduite.
Ahmed ould Cheikh
vendredi 1 novembre 2024
Editorial: Et donc tout ça pourquoi, au final ?
« Ambiguïté délibérée » : voilà comment Ehoud Barak, alors ministre de la Défense de l’entité sioniste, désignait, en 2010, la stratégie nucléaire de son gouvernement ; « une bonne politique, en entente totale avec les États-Unis », tenait-il, sibyllin, à préciser. Moins ambigüe et d’autant moins proclamée mais… tout aussi délibérée, l’organisation d’assassinats ciblés dans tout le Moyen-Orient – notamment en Iran : Mohsen Fakhrizadeh, le professeur en charge du programme nucléaire local, en 2020 ; Hassan Sayyad Khodaei, colonel des Gardiens de la Révolution, en 2022, ou Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas, en 2024… – n’a depuis cessé de rappeler au Monde l’impunité dont jouit cette entente américano-sioniste. Pour combien de temps encore ?
Car les morts s’accumulent : en une seule année, plus de quarante mille palestiniens à Gaza, une réponse « légitime », nous affirme-t-on, aux mille deux cents victimes des « terroristes » du Hamas ; près de trois mille au Liban, journalistes, humanitaires, militaires de l’ONU et autres civils évidemment beaucoup plus « quelconques » que le moindre sioniste en terres palestiniennes occupées. Encore une bonne politique, donc, toujours en entente totale avec les USA ? On comprend en tout cas combien lourdement les visages s’assombrissent au Moyen-Orient arabe et perse. Et le moins qu’on puisse dire est que cette réponse aux exactions répétées du couple infernal est, elle, on ne peut plus objectivement légitime…
La Résistance palestinienne et ses alliés chiites pleurent leurs morts. Mais combien ont-ils gagné de nouveaux partisans, parmi les millions de familles durement touchées par les bombardements plus aveugles que ne le prétendent les communiqués de presse occidentale ? Parmi le milliard de musulmans outrés par le spectacle quotidien de ces dévastations délibérément génocidaires ? Et parmi les milliards de tant d’autres simples gens, partout sur notre planète bleue, jour après jour plus exaspérés par cet « ordre » mondial si délibérément ambigu ? Jusqu’aux États-Unis eux-mêmes où « un quart des juifs américains considère désormais l’entité sioniste comme un État d’apartheid (1) »… Et donc tout ça pourquoi, au final ?
Ahmed ould Cheikh
NOTE
(1) : https://orientxxi.info/magazine/peter-beinart-un-quart-des-juifs-america..
vendredi 25 octobre 2024
Editorial: Solutions à la Kim Jong-Un ?
Après les inondations qui ont frappé son pays en Juillet dernier, entraînant d’énormes dégâts et la mort de près de quatre mille personnes, Kim Jong-Un, l’inénarrable président de la Corée du Nord, a affirmé, dans le train le ramenant de sa visite des lieux accablés, que « ceux qui ont causé des pertes inacceptables devraient être strictement punis ». Dans la foulée, plusieurs personnes avaient été limogées, à commencer par le gouverneur de l’État inondé. « Entre vingt et trente dirigeants de la zone sinistrée », a rapporté le média chinois TV Chosun le mardi 3 Septembre, « ont été depuis condamnés à la peine capitale pour corruption et manquement au devoir ». Ils auraient tous été « abattus », à la fin du mois d’Août, pour « n’avoir pas empêché les dégâts causés par les inondations ».
Au moment où plusieurs régions de notre pays sont submergées par les eaux du fleuve Sénégal, a-t-on sanctionné un seul responsable ? L’a-t-on jamais fait pour des faits autrement plus graves ? D’où la question : l’impunité n’est-elle pas la source de tous nos maux ? Combien de fonctionnaires véreux ont pillé sans vergogne nos maigres ressources au vu et au su de tous, sans susciter la moindre réprobation ? Quand un (ir)responsable passe, en quelques mois, du statut de locataire d’une maison modeste dans un quartier périphérique à celui de propriétaire d’une villa cossue dans un quartier chic, entourée de voitures luxueuses, comment va-ton l’appeler ? Des cas comme celui-là sont légion. Et quand il arrive qu’un malchanceux tombe dans les filets, il ne tarde pas à se relever, grâce à toutes sortes de mécanismes, familiaux, tribaux, régionaux ou amicaux. Rien n’est plus éphémère en Mauritanie que la disgrâce. Faut-il faire comme Kim Jong-Un : les liquider pour qu’ils ne rebondissent plus ? Rien n’indique cependant qu’après leur mort, ils ne ressusciteront pas… tant ils ont la peau dure.
Ahmed ould Cheikh
jeudi 17 octobre 2024
Editorial: Douce Françafrique…
Monsieur Robert Bourgi, le célèbre avocat et conseiller politique franco-libanais, nous en apprend de bien belles ! Dans son dernier ouvrage : « Ils savent que je sais tout : Ma vie en Françafrique », Max Milo Éditions, Paris, 2024 ; l’élève du mythique Jacques Foccart se prend à sortir quelques secrets du placard. Oh, pas tous, évidemment, le monsieur connaît les limites des indiscrétions fuitables sans trop de risques… Mais tout de même assez pour nous instruire, nous, pauvres Mauritaniens, combien le sort d’une république africainepouvait être scellé, il y a peu encore – plus maintenant ? – par des conversations de salon, de Saint-Tropez à l’Élysée, en passant par quelque établissement huppé, à l’instar du « Bristol », « un monde d’élégance et de volupté, pour des séjours d’exception », comme le souligne sa présentation sur Google…
C’est donc en vacances dorées sur la Côte d’Azur que Robert Bourgi rencontra, quelques jours après le coup d’État d’Ould Abdel Aziz, l’homme d’affaires Mohamed ould Bouamatou
dépêché par son cousin pour prêcher la bonne cause des militaires « soutenus par les grandes tentes mauritaniennes », expliquera plus tard le général Mohamed Ould Ghazouani, le chef d’état-major de l’armée limogé par le président déchu, «dont l’impopularité a causé sa perte. » Une argumentation on ne peut plus simpliste mais tout de même convaincante, semble-t-il, puisqu’après avoir acquiescé à l’idée que « le chef d’état-major de l’armée mauritanienne, le général Mohamed ould Ghazouani, qui avait été révoqué par le président défait, soit reçu à l’Élysée », l’habile avocat libanais obtint un entretien dudit général avec Claude Guéant, secrétaire général de lElysée.
Alors conseiller « Afrique » du Palais français, Bruno Joubert fut convié à se joindre à l’entrevue et présenta clairement son opinion : « L’Union européenne rejette le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz. Il n’est pas pensable que le président de la République puisse accepter cette situation. En outre, vous faites partie, général Mohamed ould Ghazouani, de ceux qui ont précipité la chute du président Abdallahi. – Ne me parlez pas sur ce ton ! », répliqua, ulcéré, Ould Ghazouani, avant que Claude Guéant ne se rangeât à l’avis des autres personnes présentes qui jugeaient l’impopularité responsable de la chute de notre premier président démocratiquement élu. Une majorité de politesse… ou d’intéressements ? Bourgi ne nous en a rien dit…
Puis on partit déjeuner au Bristol… où les dés, entre la poire et le fromage, furent pratiquement jetés : Joubert bientôt « déplacé » de sa fonction à l’Élysée, Ghazouaniréinvité à discuter en 2009 avec Guéant et divers hauts cadres de l’État français – problématique djihadiste au Sahel oblige… – le colonel Kadhafi « encouragé » en suivant à faire reconnaître le nouveau régime mauritanien par l’Union Africaine, Ould Abdel Aziz reçu par le président Sarkozy quatre mois plus tard, soit une sorte de blanc-seing officiel quelques semaines à peine avant une élection présidentielle ainsi courue d’avance… Quant à la disgrâce de Mohamed ould Bouamatou, en 2010, elle n’est peut-être pas en rapport avec tous variablement gracieux entrechats mais n’en confirme pas moins ce que la destitution de Sidi ould Cheikh Abdallahi nous avait déjà appris : l’ingratitude monumentale de Mohamed ould Abdel Aziz et ce que cela révélait de son avidité sans frein…
Ahmed ould Cheikh
mercredi 9 octobre 2024
Editorial: Un chantier prioritaire parmi tant d’autres…
Nos goudrons sont-ils solubles dans l’eau ? La question posée au milieu des années 80 par un chroniqueur dans un article publié par le quotidien Chaab, le seul qui existait à l’époque, et qui lui valut des déboires avec le pouvoir en place, est plus que jamais d’actualité. Il suffit de voir les vidéos publiées sur les réseaux par un lanceur d’alerte devenu célèbre sur l’état des routes à Nouakchott pour se rendre compte de l’ampleur du gâchis. Nids de poule et trous béants sur des routes dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques mois. Elles ont pourtant fait l’objet d’appels d’offres, ont été attribuées à des sociétés et des bureaux de contrôle ont été sélectionnés pour veiller à leur conformité mais… tout part à vau-l’eau. La route qui mène au Port de l’Amitié a été refaite à la va-vite parce que le président de la République devait l’emprunter pour inaugurer le Pont au carrefour Bamako. Quelques mois plus tard, elle n’est plus que ruines. Autre exemple parmi tant d’autres, la route Aleg-Boutilimit a commencé à se détériorer alors qu’elle n’a même encore été réceptionnée.
D’où de multiples interrogations : les marchés ont-ils été attribués à des sociétés moins disantes, sans tenir compte de l’évaluation technique ? Les contrats ne comportent-ils aucun délai de garantie ? Certains bureaux de contrôle ne font-ils pas bien leur travail ? Pourquoi l’État n’a-t-il jamais sévi contre ces sociétés indélicates, en les blacklistant, à défaut de pouvoir les contraindre à réparer les dégâts ? Il y a en tout cas urgence à régler le problème. Nous avons si peu de ressources qu’il serait criminel de laisser des irresponsables saboter le petit nombre d’infrastructures que nos moyens nous permettent d’acquérir. Un chantier parmi tant d’autres pour le nouveau gouvernement… mais certainement pas le moins prioritaire.
Ahmed ould Cheikh
samedi 5 octobre 2024
Editorial: Le revers de la médaille
Depuis quelques semaines, une affaire secoue la Toile dans tous les sens. Dans un message sur Facebook, un bloggeur devenu célèbre en battant des records d’audience disserte pendant près d’une heure sur l’origine douteuse de la colossale fortune d’une famille, sans la citer nommément. Il n’en faut pas plus pour que tout le monde – ou presque – y mette du sien. Le torchon brûle entre ceux qui soutiennent celui qui se veut un lanceur d’alerte et ceux qui défendent mordicus cette famille et exigent que justice soit faite. Cette dernière ne va d’ailleurs pas à tarder à s’en mêler en convoquant ce « justicier » des temps modernes. Convoqué trois jours de suite par la gendarmerie, après la plainte déposée par la famille, il doit répondre, en vertu de la loi sur la cybercriminalité, de plusieurs chefs d’accusation dont la diffamation et le chantage.
Au-delà de cette affaire, un problème de taille se pose depuis l’avènement d’Internet : celui de la liberté qu’a tout un chacun d’insulter, diffamer, traîner dans la boue ou salir la réputation de qui il veut. Pourvu qu’il ait un smartphone (même le plus bas de gamme) et une connexion Internet. C’est bel et bien avec raison, hélas, qu’Umberto Eco fit remarquer que « les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui ne déblatéraient auparavant qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. » Imaginez le tort que peuvent causer ces hordes de crétins à n’importe qui, en l’accusant de tous les maux sans avancer la moindre preuve. Internet a beaucoup d’avantages mais aussi des inconvénients. Le revers de la médaille en quelque sorte.
Ahmed ould Cheikh
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