jeudi 1 mai 2025

Editorial: Mais bon sang, un peu de tenue !

Faire le buzz est désormais le souci de tout un chacun. « Faire tendance », comme on dit, c’est-à-dire voir ses avis largement partagés sur les réseaux sociaux. C’est la ruée au plus grand nombre de lectures et de partages ! Au prix de n’importe quoi à tout bout de champ… Des exemples ? En veux-tu, en voilà : tel député de l’opposition accusant, dans une déclaration au Parlement européen, une communauté de confisquer le pouvoir… avant de se rétracter dès son retour au pays, en disant qu’il ne parlait que d’une minorité. Telle autre députée du même camp traitant tous nos dirigeants de cafards… Des soutiens du pouvoir en place n’hésitant pas à taxer les dirigeants de l’opposition active de tous les noms d’oiseaux avec, en cible privilégiée, Biram, accablé de volées de bois vert pour un oui ou pour un non. On est à mille lieues d’un débat politique serein où les problèmes du pays seraient débattus dans la sérénité et le respect de l’Autre. Où en est-on des tables rondes organisées par la télévision nationale il y a quelques années et auxquelles la presse privée était conviée ? Tout le monde a encore en tête le face-à-face mémorable entre les deux candidats arrivés en tête lors de la présidentielle 2007. Une expérience qui ne sera jamais renouvelée, pour la simple raison qu’il n’y a jamais eu de deuxième tour depuis cette date et qu’il n’y en aura peut-être jamais plus. La courte parenthèse civile de 2007 à 2008 ayant été tuée dans l’œuf, les militaires sont revenus à la charge et ne lâcheront plus le morceau. D’où la sempiternelle question : à quelle sauce serons-nous mangés en 2029, lorsque Ghazouani décidera de rendre le tablier ? A moins qu’il ne veuille rempiler pour un hypothétique troisième mandat « pour garantir la paix et la stabilité du pays ». On entend certes bien que plane l’exemple du Sénégal voisin et de sa révolution populaire de 2023. Mais, franchement, on n’aurait pas mieux à faire en notre république réputée islamique ? Ahmed ould Cheikh

jeudi 10 avril 2025

EDitorial: En toute bonne foi

Depuis quelques semaines, la presse régionale et même internationale – RFI se chargeant d’en mettre une bonne couche… – fait ses choux gras du traitement par la Mauritanie de la question des immigrés. Et chacun y est allé de ses commentaires et médisances. Du jour au lendemain, notre pays, jadis terre d’accueil, se serait ainsi transformé, selon certains, en enfer pour les étrangers d’Afrique subsaharienne, désormais maltraités, frappés, délestés de leurs biens et expulsés sans ménagement dans d’horribles conditions. Pour d’autres non moins dépourvus de mauvaise foi, il serait devenu -contre monnaie sonnante et trébuchante, insistent-ils lourdement… – le gendarme de l’Europe, gardien des frontières de celle-ci et un pays où il ne fait plus bon vivre pour les candidats aux voyages. Qu’avons-nous donc fait pour mériter cette volée de bois vert ? Comme partout ailleurs dans le Monde, nous avons exigé des étrangers de se mettre en règle vis-à-vis de la loi. Ceux qui s’y sont conformés – et ils sont nombreux… – exercent leurs activités en toute quiétude. Par contre, ceux qui refusent de la respecter, considérant qu’ils ne sont là que de passage, prennent le risque de se faire expulser. Et, pour une fois, la Mauritanie s’est résignée à appliquer la loi dans toute sa rigueur face au flux incessant d’immigrés. Le résultat est là : elle se fait traiter de tous les noms. Certes, l’opération ne s’est peut-être pas déroulée partout dans les règles de l’art ; des débordements, probablement inévitables en ce genre de situations, ont été signalés et il restera à en punir les auteurs pour que ceux-là ne se reproduisent plus. Mais qu’on se le dise : la construction d’un État de droit passe bel et bien par un contrôle rigoureux de son territoire et de tous ceux qui y pénètrent, même seulement pour le traverser. Cela ne remet certainement pas en cause notre nature hospitalière et RFI aurait bon ton de le rappeler à tous ceux qui en doutent… Un petit reportage sur place, peut-être ? En toute bonne foi ? Ahmed ould Cheikh

lundi 31 mars 2025

Editorial: Chapeau, maître Bouhoubeyni !

Maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni vient de boucler son deuxième et dernier mandat à la tête de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), un organisme officiel mauritanien créé en vertu de l’ordonnance N°015/2006 du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD). On avait remarqué, à l’époque, le caractère essentiellement consultatif – et donc limité… – des missions confiées à cette nouvelle institution et certains opposants au pouvoir n’ont cessé, depuis, de reprocher à l’ex-président du forum de l’Opposition d’avoir accepté cette contrainte. Mais, habile avocat et fin négociateur, comme en témoigne également son passage à la présidence de l’Ordre des Avocats Mauritaniens, Me Bouhoubeyni a néanmoins su extraire de cette entrave des avancées significatives dans la lutte vers l’établissement d’un État de droit en Mauritanie. Il a notamment établi une relation de confiance avec les autorités, dans une posture d’écoute et de dialogue n’excluant pas des critiques et des défis strictement basés sur des faits concrets et objectivement irréfutables. Une confiance également établie avec les partenaires de la Mauritanie qui s’est soldée par un soutien sans précédent de la Communauté internationale : ambassadeurs accompagnant jusqu’aux confins du pays les campagnes de la CNDH contre l’esclavage, avec des slogans marquants comme « Esclavage, tournez la page ! » ; visite officielle du président du Conseil européen, Charles Michel, au siège de la CNDH, après sa rencontre avec Mohamed Cheikh El Ghazouani ; consultation du président de celle-ci par l’ambassadeur de l’Union européenne, deux jours avant la revue entre l’UE et le gouvernement mauritanien il y a quelques semaines ; soirée exceptionnelle du 18 Mars dernier, réunissant les ambassadeurs des principales puissances diplomatiques (États-Unis, France, Allemagne, Espagne, UE), les représentants des Nations Unies, notamment leur coordinatrice générale, les représentants de la Banque mondiale, du HCR et du Bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme et autres acteurs majeurs… Et maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni de souligner : « notre méthodologie sur des dossiers sensibles, comme celui de l’esclavage, a permis de dépasser les polémiques stériles pour apporter des réponses concrètes. Nous avons invité tous les acteurs à chercher ensemble des solutions à des problèmes précis, démontrant ainsi notre volonté d’action plutôt que de débat théorique. Aujourd’hui, la Mauritanie bénéficie d’une reconnaissance internationale avec le statut A au sein des Nations Unies. Il est essentiel que cette dynamique soit préservée par la future présidence de la CNDH, car les droits de l’Homme restent un combat permanent. » Ahmed ould Cheikh

samedi 22 mars 2025

Editorial: Le dialogue, une nécessité nationale

Le climat international se tend, des positions extrémistes, notamment en ce qui concerne la libre circulation des biens et des personnes, se développent : sans conséquence sur notre quotidien mauritanien ? Les informations qui nous parviennent et que nous nous faisons le devoir de rapporter dans toute la diversité de leur expression démontrent tout le contraire. Propulsée par des difficultés économiques croissantes en Afrique sahélienne, la problématique migratoire amène des mesures vexatoires à l’encontre des étrangers subsahariens venus chercher, auprès de nous, de meilleures conditions d’existence et cette politique protectionniste a des retombées sur certaines de nos propres populations variablement intégrées dans notre organisation nationale. De fait, c’est bel et bien la question des inégalités raciales qui se retrouve aiguisée et la communauté haratine ne manque pas de le remarquer, en rappelant l’urgence d’en finir enfin avec l’esclavage et ses séquelles. Ce n’est à proprement pas parler d’arsenal juridique à l’encontre de ces plaies – il est déjà relativement bien développé – mais beaucoup plus de volonté politique et plus encore de prise de conscience, chez tous les mauritaniens, particulièrement ceux qui sont aux commandes, de la nécessité de partager réellement le pouvoir et les richesses de notre nation. La solution serait-elle, a contrario, de favoriser l’immigration maghrébine pour contrer la montée de l’Afrique noire ? Bref et abruptement, troquer notre ancestrale fonction de trait d’union entre les deux bilads contre une position d’affrontement ? Mais à qui profiterait au final une telle attitude ? Notre sous-sol et ses richesses font l’objet de bien des convoitises et rien de plus excitant pour celles-ci que l’entretien de situations conflictuelles au sein de notre nation. C’est précisément à ce point de réflexion que se présente l’opportunité d’un nouveau dialogue entre toutes nos composantes politiques et civiles. Non pas, bien évidemment, que le dossier racial soit le plus central à discuter – la pauvreté touche tout le monde, tout comme la corruption, la gabegie et les dessous-de-table… – mais il est assez volumineux pour inciter les plus nantis – et paradoxalement donc, les plus exposés aux conséquences de remue-ménages intempestifs – à se plier aux conditions d’un dialogue vraiment ouvert, sincère et inclusif, n’excluant aucun sujet. Ce n’est pas seulement à conclure : à bon entendeur, salut ! C’est toute la nation qui y appelle. Ahmed ould Cheikh

samedi 15 mars 2025

Editorial: Il faut sauver la MAI

Arrivés comme prévu à l’aéroport de Las Palmas, le vendredi 7 Mars, pour prendre le vol de la Mauritania Airlines à destination de Nouakchott, les passagers qui avaient libéré leurs chambres d’hôtel et épuisé leurs frais de séjour ont eu la désagréable surprise de se voir notifier que l’avion qui devait les transporter n’arriverait que dimanche. En vertu des lois qui régissent le transport aérien, ils auraient dû être pris en charge par la compagnie, logés, nourris jusqu’à leur départ et même indemnisés. Mais notre compagnie nationale semble ignorer ou refuse d’appliquer ces textes. Les passagers n’auront même pas droit à un mot d’excuse. Et ce n’est pas la première fois. La MAI a sans doute la politique commerciale la plus pourrie de tout l’Univers. Et que dire de sa gestion ? Comment une compagnie qui dispose de six avions (dont quatre dans un état presque neuf, deux Boeings et deux Embraers) peut-elle se retrouver du jour au lendemain sans aucun aéronef en mesure de voler ? « Gouverner, c’est prévoir », dit-on. Pourquoi n’a-t-elle pas prévu que les avions totalisant un certain nombre très précis d’heures de vol doivent nécessairement aller en révision ? N’a-t-elle pas les moyens de faire face à ces charges ? Où vont les milliards qu’elle encaisse ? Sa situation serait devenue, dit-on, si proche du coma qu’elle navigue désormais à vue, vivant au jour le jour d’expédients et se contentant de louer des avions pour assurer ses dessertes. Elle a pourtant tout pour réussir : des avions qui lui appartiennent et qui ne lui ont rien coûté, des lignes rentables et un personnel qualifié… mais il lui manque l’essentiel : un pilote. Ahmed ould Cheikh

vendredi 7 mars 2025

Editorial: Pas de loi antitrust en Mauritanie : un diktat de quel pouvoir ?

On s’étonne à bon droit de l’incohérence politique que cela implique : on ne peut pas prétendre mettre fin à l’incurie et la corruption… tout en entretenant les conditions qui les génèrent. Car c’est bel et bien le pouvoir actuellement en place qui a élevé Mohamed Zeïne El Abidine Cheikh Ahmed au rang d’homme d’affaires privilégié. Œuvre de Mohamed ould Abdel Aziz ? Certes mais le successeur de celui-ci n’en a pas non seulement perpétué la démarche mais l’a encore amplifiée, alors que s’accumulaient les preuves des insuffisances dudit personnage. J’évoquais la semaine dernière ses « manquements » dans l’exécution du projet « Aftout ech-Chargui » et les « indulgences » dont l’AFD l’avait gratifié. Cette semaine, c’est « Le Quotidien de Nouakchott » qui fait état des « largesses » de l’État mauritanien qui confie à sa trouble société de génie civil BIS TP la réhabilitation et de l’extension des écoles de la commune de Toujounine. Pour 908 millions MRO. Comme si de rien n’était. On me rétorquera que ces « faveurs » ne lui sont pas exclusives, à proprement parler, puisque d’autres sociétés – la PME de génie civil TCC, Electotech SA et Best Buy – vont se partager quelque mille six cent vingt millions MRO sur le projet de réhabilitation et d’extension de cent trente-deux infrastructures scolaires de Nouakchott, piloté par Taazour. Mais, quand on constate l’ampleur des activités déployées par l’affairiste – ainsi que le souligne avec pertinence notre estimé confrère : informatique, secteur bancaire, génie civil, hydrocarbures, télécoms, électricité, médias, énergies etc. – on soupçonne bien, là-dessous, une volonté de préserver les intérêts d’un système profondément incrusté dans le fonctionnement de notre République. Bref, le pouvoir affiché va devoir faire des choix. Continuer à faire « comme si de rien n’était » et s’exposer, preuves à l’appui – comptez là-dessus sur nous ! – à une réprobation croissante envers ces « irresponsabilités protégées » réduisant ses promesses à de vulgaires slogans vides de sens ; ou bien s’attaquer clairement aux insuffisances dans l’exécution des contrats du patron des patrons avec l’État. Si celui-là n’est pas un simple homme de paille de celui-ci – et cela pose évidemment des questions plus troublantes encore… – on apprendra alors vite que ces insuffisances tiennent surtout de l’omniprésence de cet homme sur le marché des affaires. « On ne peut pas être à la fois au four et au moulin », rappelle un célèbre dicton populaire français. Est-ce pour cette raison qu’apparut en 1890 aux USA la première loi antitrust au monde ? C’est peu probable mais une chose est en tout cas certaine : c’est bien celle-ci qui initia leur développement… Ahmed ould Cheikh

vendredi 28 février 2025

Editorial: Expédients coûteux… mais manifestement sans lendemain

On s’en doutait un peu, pour ne pas dire que cela ne faisait aucun doute : l’aide française au développement est une arme diplomatique en Afrique. Pas que française, au demeurant, mais c’est bien aujourd’hui la France qui est sur la sellette dans les rapports de l’AFD avec le pouvoir en Mauritanie, dernier régime du Sahel à n’avoir pas tourné le dos à l’ex-colonisatrice. En cause, les vingt-deux millions d’euros balancés par ladite agence au profit théorique du mirifique programme de l’Aftout ech-Chargui, ce fameux projet-phare d’adduction d’eau potable au bénéfice tout aussi théorique de cent cinquante mille personnes du Sud mauritanien et dont l’ONG mauritanienne Transparence Inclusive avait, il y a un an déjà, dénoncé le total fiasco, ainsi que nous l’évoquions dans l’éditorial du N°1375 (14/02/2024) de notre journal. La « nouveauté », si l’on peut dire, c’est que l’on sait aujourd’hui à quel point l’AFD s’est, en cette aventure, distinguée dans l’irrespect de ses propres règles de contrôle, décaissant l’intégralité des fonds prévus avant même la fin officielle du chantier, négligeant de réclamer la moindre pénalité de retard, après avoir accordé des rallonges substantielles pour des « améliorations »… déjà inscrites dans le cahier initial de charges ! Certes, la campagne « Publish what you fund », qui publie chaque année un indice évaluant la transparence des organismes d’aide au développement dans le Monde a déjà épinglé l’Agence française, en la classant à une peu glorieuse 35ème place sur cinquante mais on se demande tout de même au nom de quels « principes » – humanistes ? – la patrie des droits de l’Homme et du Citoyen a laissé pour sa part passer ces étranges « manquements »… D’aucuns subodorent une complicité à tout le moins passive avec le système – très actif, lui – de corruption en Mauritanie et, un cran tout de même en dessous, au Sénégal, puisque les deux sociétés qui ont surtout bénéficié de ces « indulgences » sont respectivement dirigées par un mauritanien et un sénégalais : BIS TP, par le décidément sulfureux Zeïne El Abidine ould Cheikh Ahmed – mais néanmoins toujours président de l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM)… – et la Compagnie Sahélienne d’Entreprises (CSE) par Oumar Sow qui s’évertue aujourd’hui à se dégager de projets extérieurs à son pays et en conséquence difficilement contrôlables (c’est le moins qu’on puisse dire en ce concerne ceux engagés en Mauritanie). Et qu’ont donc en commun ces deux hommes si apparemment différents ? On ne voit guère que leur proximité avec le chef de l’Etat de leur pays respectif, durant le projet Aftout ech-Chargui : Mohamed Ghazouani, pour le premier, et Macky Sall, pour le second. Variablement francophiles, certes, mais tout aussi attentifs à recueillir le beurre de la mamelle hexagonale… Et c’est avec de tels coûteux expédients que la France entend se refaire une santé au Sahel ? Ahmed ould Cheikh