dimanche 22 avril 2018

Editorial: Black is black, il n’y a plus d’espoir ?

Plusieurs mois durant, des émissaires de la Majorité et deux représentants de l’Opposition ont mené des tractations secrètes, en prélude à un nouveau dialogue national. Entourées d’une totale opacité, elles ont finalement échoué, après plusieurs rounds de négociations au cours desquelles aucune des parties n’a accepté de transiger sur les points qu’elle considère « essentiels » à des élections transparentes. Pouvait-il en être autrement ? Échaudée par tant d’expériences désastreuses, l’opposition devait garder en ligne de mire la plus probable des donnes : depuis les accords de Dakar qu’il piétina allègrement, dès la fin de la présidentielle 2009, le pouvoir tient ses contradicteurs pour de la menue monnaie. Et ce n’est pas à moins d’un an de la fin de son dernier mandat, alors qu’il est obligé de lâcher les rênes, qu’Ould Abdel Aziz doit devenir « fréquentable ». L’opposition a consenti trop de sacrifices et mis à nu les pratiques du régime pour accepter de se fourvoyer dans des tractations secrètes dont celui-ci ne manquera pas de tirer dividendes, présentant son adversaire comme l’éternel frein à la décrispation. La campagne a d’ailleurs déjà commencé avec les tweets d’Ould Maham, le président de l’UPR. Comble de « la manipulation et de la déformation », commente un Lô Gourmo passablement désabusé. 
Tawassoul  s’est, de son côté, signalé par quelques déclarations de son président. Elles permettent de tirer quelques observations et conclusions sur ces désormais fameuses négociations secrètes. En un, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, ceux des partis de la majorité présidentielle, plusieurs composantes essentielles du FNDU (syndicats et Société civile)  et, bien évidemment, le G8, les sénateurs et bien d’autres ont été sciemment mis  à l’écart, pour préserver le secret de la transaction et son opacité, pourtant censée apporter une solution à une crise politique nationale. Secondement, les discussions ont été menées selon  une  méthode  classique  dans le  souk : le véritable patron reste en retrait des négociations sur le prix et les modalités de livraison, pour pouvoir constamment  demander (et obtenir) une amélioration des offres, transmises via  des commis parlant en son nom, sans jamais pouvoir conclure, eux-mêmes, la transaction. Tercio, malgré la portée majeure de l’accord souhaité, aucune personnalité négro-africaine ou haratine n’a participé à ces pourparlers ; au moins la moitié des six  négociateurs se réclament du seul  courant islamiste. 
Il semble également que nombre de dossiers à tout le moins « épineux » aient été zappés. Comme ceux impliquant treize sénateurs, des syndicalistes et  journalistes, des  opérateurs économiques et des militants des droits de l’homme, tous victimes d’actes liberticides graves : détention  carcérale, assignation à résidence, retrait de passeports, mandats d’arrêt, contraintes à l’exil… Black-out total, encore, sur l’égalité des opérateurs économiques, devant les services des impôts, des douanes, des marchés publics… Question pourtant déterminante, au regard du  seul souci de transparence électorale.
Au final, si l’engagement en catimini de ces discussions explique, en grande partie, l’échec  patent des mots d’ordre et actions de protestation  qu’entreprenait le FNDU ces derniers mois – sans conviction, évidemment, tant ils étaient contraires à cette ligne politique fondée sur le compromis (ou la compromission)  avec le pouvoir – c’est surtout la confiance, entre le FNDU et ses partenaires du G8, qui se retrouve fortement compromise. Soubresauts probables, donc, dans les mois à venir qui devraient voir plusieurs composantes du Front s’en retirer. Ce n’est  certainement pas l’ingénuité qui a poussé le président de Tawassoul  à soutenir que son homologue de l’UFP dirigeait bel et bien les négociations, lui ôtant ainsi la possibilité de s'en démarquer, malgré son insistance  à le prétendre, devant le G8.   
La situation n’est guère plus nette, côté pouvoir, où ces péripéties s’inscrivaient dans la guerre de succession et de positions  désormais  ouverte entre les clans :  on a joué à « Avance devant, que je te tire dans le dos », compliquant singulièrement l’imbroglio politique où tout un chacun ne cesse de claironner, à cor et à cri, « l’islam référentiel de la Nation », prétendant agir « conformément à ses préceptes », ou se targue  de « patriotisme », soutenant  mener son action après « analyse  concrète   de la situation concrète ». Les lampions n’étaient certes pas allumés mais c’est tout de même un noir et funèbre rideau, sur un aussi obscur qu’inqualifiable feuilleton, avec toujours la même lancinante question : comment sortir la Mauritanie de la crise, de plus en plus profonde et multiforme, où elle s’englue à vue d’œil, chaque jour un peu plus,  tragiquement, dangereusement ?
                                                                                        Ahmed ould Cheikh

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