mardi 27 septembre 2016

Editorial: Aberrant…


Le baron Pierre de Coubertin en fit la devise des Jeux Olympiques : « L'important, c'est de participer ». En Mauritanie, on respecte, à la lettre, la célèbre maxime. A chaque olympiade, nous participons… sans préparer nos athlètes et sans mobiliser des moyens… puisque là n’est pas l’important. Cette année, Rio n’a pas dérogé à la règle. Ce n’est que grâce à la Solidarité Olympique que deux de nos athlètes ont pu concourir. Au Sénégal voisin (auquel notre gouvernement ne manque pas une occasion de nous comparer), c’est le Président Macky Sall himself qui a remis le drapeau de son pays à une délégation de trente personnes, après avoir ordonné qu’on leur débloque huit cent millions de FCFA, pour la préparation et le séjour au Brésil.  Et nous, combien avons-nous donné à notre Comité National Olympique (CNO) et aux fédérations pour préparer nos athlètes : zéro ouguiya. Vous avez bien lu : zéro ouguiya. En 2012, pour les Jeux de Londres, le ministère des Sports avait fourni un petit effort, en remettant, au CNO, un chèque de sept millions d’ouguiyas mais… il était sans provisions ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’on gagne ou qu’on obtienne des médailles ? A cause d’une prise en charge financière partielle, notre pays a raté les Jeux africains de la jeunesse (2010), les Jeux de la Francophonie, les Jeux islamiques (2013), et à nouveau les Jeux africains de la jeunesse avant les 2ème Jeux olympiques de la jeunesse (2014). Ce ne sont pourtant pas les moyens qui manquent. Le ministère des Sports a un budget de plus d’un milliard d’ouguiyas, le lotissement d’une partie du Stade olympique et sa vente à des « mécènes », en guise d’aide au sport, devraient, normalement, rapporter plus de deux milliards, s’ils se sont tous acquittés de leur redevance, ce qui ne semble pas être le cas. 1% de recettes douanières rapporte, depuis 2011, plus d’un milliard chaque année. De quoi donner un bon élan à notre sport, comme ce fut le cas pour le football, lorsque l’Etat décida d’y mettre les moyens. Mais le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah, le président du CNO, traîne un vice rédhibitoire : il n’a pas soutenu la rectification, en 2008, pas plus qu’il ne l’a fait pour le candidat Old Abdel Aziz en 2009 et 2014. Et comme notre guide éclairé veut tout politiser, faisant sienne la devise « Qui n’est pas avec moi est contre moi », Ould Mah, tout comme Ahmed ould Hamza, lorsqu’il dirigeait la Communauté urbaine, ou maître Ahmed Salem ould Bouhoubeyni, à la tête de l’Ordre des Avocats, ne sont plus que des ennemis à abattre. Le Comité Olympique a fait, il y a quelques mois, l’objet d’une tentative d’OPA, de la part du gouvernement, pour y parachuter un homme-lige mais la manœuvre a lamentablement échoué. Auparavant, le ministère des Sports avait introduit un projet de révision de la loi stipulant que le mandat de quatre ans du président du CNO serait renouvelable une fois, avec effet rétroactif. La ficelle était trop grosse et la Direction de la Législation a renvoyé le projet à son expéditeur, avec la mention : « Aberrant ».
Le concept d’aberration aurait-il quelque avenir, en Mauritanie, pour rectifier, également, les budgets inadaptés ? A cet égard, le CNO serait peut-être bien inspiré de présenter, à l’opinion publique et surtout, à l’Inspection Générale de l’Etat, un dossier précis de la participation mauritanienne aux Jeux de Rio. En y distinguant la préparation, depuis ceux de Londres ; avec les montants, aussi nuls soient-ils, alloués par le ministère des sports. Proposés à un exercice beaucoup plus positif de leur fonction – dynamiser le budget – nos organismes de contrôle de l’usage des deniers de l’Etat s‘engageraient-ils à relever la gestion totalement aberrante du ministère des Sports ? Cela nous permettrait-il de voir notre nation un peu mieux préparée aux prochains Jeux, en plein respect de la Charte olympique ? « Tous les Etats sont tenus de mettre à la disposition de leurs citoyens les sports de leur choix », ainsi que nous l’enseigne ses principes. Il est vrai que le seul sport national où nous excellons et qui ne nécessite ni moyens ni préparation n’est malheureusement pas encore homologué par le CIO : applaudir à tout rompre. Aberrant ? Non… si peu…
                                                                                         Ahmed Ould Cheikh

mardi 13 septembre 2016

Editorial: Ça n’ira plus

Après deux semaines de repos bien mérité (vous ne trouvez pas, chers lecteurs ?), Le Calame rempile. Nous voilà de nouveau sur scène. Qu’avons-nous raté au cours de cette quinzaine ? Le dialogue politique ? On nous l’avait promis dans trois à quatre semaines, début Mai passé. Il n’a toujours pas pointé le bout du nez. Mais il a bel et bien démarré, oui, ça ira, ça ira, si l’on en croit le ministre porte-parole du gouvernement qui ne cesse de répéter la même rengaine, chaque semaine que Dieu fait. Il ne parle probablement pas de la Mauritanie mais de la Guinée dont le président et chef de file de l’opposition viennent d’administrer, au monde entier (et à l’Afrique surtout), une belle leçon de démocratie et de sagesse. A la décharge de notre ministre, n’est pas Alpha Condé qui veut. Quand les peuples ont la liberté de choisir librement leurs dirigeants, la compétence et l’expérience prennent, à l’ordinaire, le pas sur l’ignorance et l’inconséquence.
L’affaire des engrais de la Sonimex ? On connaissait les vertus explosives de ces produits mais on ne pensait pas qu’il en avait d’autres, sélectives celle-là, épargnant ceux qui n’ont cessé de les manipuler et emportant ceux qui n’avaient, a priori, d’autres soucis que d’éclairer notre lanterne sur des manigances déjà vieilles de plusieurs années. Les deux inspecteurs d’Etat chargés du dossier ont, en effet, été subitement défenestrés. Que leur reproche-t-on, au juste ? D’orienter l’enquête dans le sens de la vraie justice ? De ne pas avoir été dociles ? De mouiller ceux qui, dans la République azizienne, ne sont pas « mouillables » ? L’affaire n’a, en tout cas, pas dit son dernier mot. Mais gageons qu’à l’instar de celle du Trésor qui vient de s’achever en queue de poisson, elle ne fera, elle non plus, guère long feu. Les trésoriers régionaux, accusés d’avoir détourné quelques milliards d’ouguiyas et à qui notre champion national de lutte contre la gabegie promettait l’enfer, s’ils ne remboursaient pas jusqu’à la dernière ouguiya, ont été, soit libérés, soit condamnés à des peines légères et des amendes insignifiantes. Une façon de clore un dossier devenu gênant depuis que les tribus des concernés s’y sont investies. Quand un Etat se fait détrousser, insulter, piétiner et finit par céder à la pression tribale, il y a comme une dangereuse pente... Après l’abîme, les abysses ?
Les dirigeants et militants d’IRA qui n’ont, eux, pas détourné la moindre ouguiyette, n’ont pas eu droit à une telle clémence. Relation de cause à effet ? Ça coûte combien, la clémence ? A moins que prendre carte d’IRA signifie perdre sa tribu… Auquel cas, évidemment, l’investissement des tribus… Hein, que dites-vous ? Le problème de ces audacieux militants, ce serait un peu des deux : pas d’argent, plus de tribu ? Ça se monnaye donc aussi, l’investissement tribal ? Mais il ne va rien leur rester, à ces pauvres trésoriers ! Rejoindront-ils, alors, les rangs d’IRA ? Ah, ça ira, ça ira, ça ira mais, un jour ou l’autre, tout de même, ça n’ira plus ! 
                                                                                                     Ahmed Ould Cheikh

jeudi 1 septembre 2016

Editorial: Manipulateurs d'humeurs

Rien ne va plus entre le Maroc et la Mauritanie. Du moins, entre leur pouvoir respectif. Malgré un soutien, actif, au coup d’Etat du 6 Août 2008, le royaume chérifien, qui avait usé de tout son entregent diplomatique, auprès de ses amis et alliés, pour leur faire avaler la « félonie », dixit Ely ould Mohamed Vall, considère qu’il n’a pas été payé en retour. A juste titre. Et il n’est d’ailleurs pas le seul en cette situation. Ould Abdel Aziz a, en effet, la fâcheuse manie de considérer qu’il n’est redevable de rien à personne, que tout lui est dû, tombé du ciel. Pas plus le Maroc que quiconque ne fait exception à la règle.
Certes, les relations, entre nos deux pays, ne furent jamais au beau fixe. Mais l’escalade – ou la dégringolade, selon un point de vue plus lucide – n’a réellement commencé qu’il y a trois ans, lorsque la Mauritanie a refusé de désigner un ambassadeur, pour remplacer Mohamed ould Maaouya parti à la retraite. Pire, elle a ramené sa représentation diplomatique à la plus simple expression, en nommant le premier conseiller ambassadeur à Bamako et demandé, en même temps, le remplacement de l’actuel ambassadeur du Royaume à Nouakchott. Une requête chassée dédaigneusement par le Maroc, invoquant sa souveraineté nationale. Depuis, les petits gestes d’énervement se multiplient, de part et d’autre. Le Maroc a très mal apprécié que la Mauritanie se départisse, petit à petit, de sa neutralité dans le conflit du Sahara, en prenant fait et cause pour le Polisario, comme lorsque ould Abdel Aziz envoya message de condoléances à la RASD ou quand notre parti-Etat dépêcha délégation, dirigée par un ancien ministre, à l’investiture du nouveau président sahraoui. La goutte qui a fait déborder le vase fut, probablement, l’affiche du dernier sommet de la Ligue arabe où la carte du Maroc est parue «amputée » du Sahara occidental. Feu de tout bois de la presse marocaine, fustigeant, en termes parfois très peu amènes, le comportement de notre guide éclairé. Même le site le360.ma, dont tout le monde sait qu’il appartient à un conseiller du roi Mohamed VI, s’est mêlé de la partie. En publiant un portrait au vitriol : «Mohamed ould Abdel Aziz ou l’art de se faire des ennemis », qui tire, à boulets rouges, sur l’homme du 6 Août. Revenant longuement sur le parcours de l’ex-étoilé, de sa naissance au Sénégal à son accession au pouvoir, le site évoque les nombreuses affaires d’argent qui ont émaillé son régime, avec force termes qui en disent long sur le degré de détérioration des relations entre les deux pays. Gageons que d’autres lui emboîteront le pas et que la presse mauritanienne aux ordres ne restera pas les bras croisés devant un tel déferlement de haine. Hier, c’était avec une guerre, aussi stupide qu’inutile, à nos voies ancestrales d’échanges vers le Nord. Quel demain nous concocte-t-on ? Sans présumer des convoitises, aussi internationales qu’excitées, sur nos richesses minières et pétrolières, faut-il présumer que nous soyons assez imbéciles, Marocains et Mauritaniens, pour laisser cet « on » manipuler les humeurs de nos infatués chefs?
                                                                                  Ahmed ould cheikh