dimanche 20 septembre 2015

Editorial: Hors d'oeuvre

Les rencontres consultatives préliminaires au dialogue national, qui se sont déroulées, du 7 au 14 Septembre, au Palais des congrès, ont achevé leurs travaux lundi. Dans le même désordre et le même vacarme. Sans l’opposition radicale ou dialoguiste. Toutes les deux ont préféré bouder une pièce de théâtre conçue et jouée dans un objectif que personne n’est parvenue à élucider. La Mauritanie des profondeurs a été appelée à la rescousse. L’UPR a mobilisé le peu de monde qu’il est encore capable de drainer. Les applaudisseurs, les troubadours, les opposants en rupture de banc, les partis-cartables et sacoches, les syndicats inconnus, les ONGs qui le sont tout autant, tous ont été invités à rappliquer au Palais des congrès, faire acte de présence, intervenir lors des ateliers, bref « remplir la salle », donner l’impression que « la Mauritanie a répondu, dans toute sa diversité,  présente à l’appel du président Ould Abdel Aziz », pour reprendre les termes d’un laudateur auquel la TVM a tendu un micro baladeur qui ne « capte » que les bonnes choses. Une semaine durant donc, les « dialoguistes » (avec eux-mêmes) ont passé en revue tous les aspects de la vie politique, économique et sociale.  Ils ont débattu de tous les sujets possibles et imaginables, du principe du dialogue au renouvellement de la classe politique, en passant par l’Etat de droit, l’indépendance de la justice ou la décentralisation. La déclaration finale, qui récapitule ces différents points, a été lue, en arabe et en français, par deux transfuges de l’opposition, fraichement sortis des rangs. Un « honneur » auquel auraient bien voulu avoir droit chefs de partis et simples militants de la majorité qui ont usé leur fond de culotte à assister à toutes les réunions, applaudir, se déhancher et danser du ventre. C’est à se demander qu’est-ce qu’ils ont de plus que les autres, nos deux rescapés, dont un a déjà quitté la majorité pour l’opposition, avant de faire machine arrière et re-machine arrière, puis, au cours des dernières semaines, re-re-machine arrière. Quand s’arrêtera-t-il ? Réponse dans quelques mois ou quelques années, lorsque le pouvoir changera de main.
En attendant, les questions fusent, de toutes parts, à l’issue du show. Pourquoi le pouvoir s’est-il entêté à l’organiser, sachant pertinemment que l’opposition n’y prendrait pas part ? Comment inviter, au dialogue prévu le 10 Octobre (au plus tard), la moindre personne, a fortiori les plus grands partis d’opposition, à discuter de thèmes convenus sans eux ? Qu’y aurait-il de changé, pour que l’opposition accepte un telle issue ? On n’a pas parlé d’amendements constitutionnels. Cela couperait-il l’herbe sous les pieds de ceux qui pensaient que tout ce cinéma n’était destiné qu’à ça ? Mais les préliminaires restent ce qu’ils sont : des préliminaires. Sans doute peuvent-ils couper l’herbe, la salade, les hors d’œuvre mais les ailes des pigeons, c’est pour le plat de résistance...
                                                                                               Ahmed Ould Cheikh

lundi 14 septembre 2015

Editorial: Tam-tam

Hassan II avait le sens de la formule. « Conférences tam-tam » : c’est ainsi qu’il n’hésita  pas à qualifier, au plus fort de leur vogue, les conférences nationales, devenues mode en Afrique, au début des années 90, en prélude à une démocratisation forcée et imposée par l’ancienne métropole. Il ne croyait pas si bien dire : toutes finirent en fiasco. En Mauritanie, nous n’avons pas eu notre conférence nationale mais ce qui s‘est déroulé, ce dernier lundi, au Palais des congrès, y ressemble étrangement.  Une pièce de mauvais goût, flanquée de troubadours, ça donne quoi, selon vous ? Les « Rencontres consultatives préliminaires au dialogue national inclusif » – ça ne s’invente pas – n’ont été qu’une outrageuse exhibition. En l’absence du FNDU et de la CUPAD, pourtant opposition dite « modérée et participante », et en présence des formations politiques dites de la « Majorité », de quelques dissidents de l’opposition et autres partillons-cartables, la messe ne pouvait être dite. Pour dialoguer, il faut être deux et l’entêtement s’est toujours révélé mauvais conseiller. A quoi serviront des recommandations approuvées par un seul camp ? Où nous mènera cet unilatéralisme ? En quoi de nouvelles élections aideront-elles le pays à sortir de la crise, si l’opposition continue à être exclue du jeu politique ? Ce ne sont pas quelques débauchés, en mal de promotion et juste avides de soupe, qui donneront de la crédibilité à des rencontres sur lesquelles personnne ne pariera un ouguiya.
Pour leur donner un cachet populaire – méthode Kagamé ? – l’UPR, PRDS version Aziz, a battu le rappel de ses troupes. Des cars ont été loués, pour transporter des militants ; une tente dressée, devant le Palais des Congrès, pour les abriter. Des centaines d’entre eux ont même eu droit à des cartons d’invitation, pour meubler la salle et combler le vide – béant – laissé par les boycottistes. Sachant pertinemment que l’opposition n’acceptera jamais de participer à un dialogue sans garanties écrites, le pouvoir s’est pourtant entêté à tenir ces assises, coûte que coûte. Pour un résultat nul. Citoyens et partenaires au développement restent persuadés qu’un dialogue inclusif ne peut se tenir sans la participation de tous.
Un autre tam-tam, autrement plus conséquent et lourd de significations, nous parvient de l’autre côté de l’Océan. Du Guatemala, plus précisément, dont le président de la République dort, depuis quatre jours, en prison, suite à un énorme scandale de corruption. Sous la pression de centaines de milliers de citoyens descendus dans la rue, à l’appel de la Société civile, le Parlement a dû lever l’immunité du chef de l’Etat et le procureur signer son ordre d’écrou, tandis qu’était avancée, dans la hâte, la date de l’élection présidentielle.
C’est un humoriste célèbre, version Dieudonné guatémaltèque, qui se retrouve largement en tête du premier tour organisé dimanche. Les citoyens sud-américains ont donc compris qu’il valait mieux en rire qu’en pleurer. Un fol espoir que les soutiens militaires dudit comique se chargeront, peut-être, de réduire à néant. Mais, tout de même, un sacré tam-tam dont nous ferions bien, Mauritaniens, de méditer le sens. Tant qu’il nous reste une bouche, pour dénoncer ou rire, avant de n’avoir plus que nos yeux, pour pleurer…     
                                                                                 Ahmed ould Cheikh

lundi 7 septembre 2015

Editorial: Suivez mon regard!

On se demande, à présent, comment un dialogue pourrait s’initier, entre deux pôles qui ont atteint un tel degré dans l’invective. Et qui, depuis 2009, se regardent en chiens de faïence, dans un spectacle où la confiance semble perdue pour de bon. Comment dialoguer dans ces conditions ? Que va-t-on se dire qui n’ait été déjà dit ? Après avoir tenté, vainement, d’allécher l’opposition par une élévation de la limite d’âge des candidats à la présidentielle – ce qui permettrait à Ould Daddah et Messaoud de se présenter à la prochaine – le pouvoir s’est retrouvé fort contrit et grise mine, lorsqu’on lui a répondu que cette question n’avait jamais été posée, du moins par les intéressés eux-mêmes. Et le voilà, pour tenter de relancer la sauce, à faire, de nouveau, miroiter les idées de supprimer le Sénat, dissoudre les assemblées, organiser des élections législatives et municipales anticipées… Des « fuites » savamment orchestrées sur certains sites. Une façon d’appâter des partis que la non-représentation au Parlement prive de subventions. Chou blanc là aussi. Personne n’a accouru. Le FNDU campe sur ses positions.
Est-ce avec l’illusion de l‘en déloger que le ministre secrétaire de la Présidence, décrété monsieur Dialogue du pouvoir, a fixé, unilatéralement, dans son courrier au Front, la date du 7 Septembre, en date-butoir pour l’ouverture officielle des discussions ? Si le ridicule ne tue pas, c’est aussi qu’il peut, parfois, cacher anguille sous roche. Ce pourrait être : vous voilà, FNDU, devant l’alternative de baisser culotte ou de nous laisser les mains libres pour dialoguer avec qui nous voulons dialoguer. 2019, ça se prépare dès maintenant. Si vous ne voulez pas en discuter, dites-le, une fois pour toutes, on trouvera bien, moyennant arrangements, une bonne petite dose de partis et autres partillons pour nous faire savoir la volonté du peuple souverain. La constitution, comme les Accords de Dakar, ce n’est pas le Coran. Comme toute œuvre humaine, elle est donc perfectible. Suivez mon regard!
                                                                          Ahmed Ould Cheikh