dimanche 22 novembre 2015

Editorial: Lettre à l’opposition

Messieurs,
Il n’est peut-être pas dans les usages qu’un journaliste s’adresse à l’opposition mais l’heure est grave. Et il ne serait pas superflu que quelqu’un prenne son courage à deux mains pour vous dire tout haut ce qu’on commence à penser de vous tout bas.

Depuis près de six mois, la scène politique vit au rythme de vos réunions marathon, du passage de témoins à votre direction, des états d’âme de vos leaders, de votre incapacité à adopter une position commune pour ou contre le dialogue avec le pouvoir. En six mois, vous n’avez pas avancé d’un pouce, donnant l’impression que vous faites du surplace. Vous devez pourtant être échaudés par les expériences passées pour ne pas perdre tout ce temps dans ces querelles byzantines. Vous avez été floués en 2009 après les Accords de Dakar dont le seul volet relatif à la présidentielle a été respecté et encore. En 2011, vous avez été éliminés au profit d’une ‘’opposition’’ plus conciliante pour donner à l’opinion publique l’image d’un groupe de radicaux qui refuse obstinément  de s’asseoir autour d’une table de négociations. En 2013, le pouvoir a fait un point d’honneur de vous diviser pour vous empêcher de participer à des élections, dont l’issue était certes connue d’avance, mais qui vous auraient permis de siéger à l’Assemblée nationale et aux conseils municipaux. Malgré tous ces coups bas, vous n’avez toujours pas pris conscience que vous êtes en train de devenir les dindons de la farce. Sur quoi vous allez encore dialoguer ? Et avec qui ? Avec celui qui n’a pour vous aucune considération et vous traite de vieillards croulants ? Avec celui qui ne vous prend que pour un refuge de gabegistes recyclés ?  Avec celui qui a été le premier à fouler au pied les accords signés pourtant devant la Communauté internationale ? Avec celui qui vient d’achever la première année de son deuxième mandat, qui  dispose d’une confortable majorité à l’assemblée et peut donc voir venir?
Arrêtez de prendre vos désirs pour de la réalité ! Regardez la réalité en face et posez-vous ces questions : A quoi servira un dialogue dans ces conditions ? Va-t-il sortir le pays de la récession vers laquelle il se dirige tout droit ? Va-t-il l’aider à payer ses dettes ? Va-t-il résorber le chômage qui atteint des proportions catastrophiques ? N’est-il que de la poudre aux yeux pour vous détourner des problèmes essentiels et occuper l’opinion ? A-t-on déjà vu dans une démocratie une opposition consacrer l’essentiel de son temps et de son énergie à discuter de la meilleure façon de répondre aux propositions de dialogue d’un pouvoir quel qu’il soit?
De grâce, cessez ces futilités ! Battez-vous sur un autre terrain. Implantez vos partis et renouvelez leurs instances. Mobilisez vos militants. Critiquez la gestion. Démontrez son danger pour le pays. Faites des propositions concrètes. Organisez des meetings, des marches et des sit in. Dénoncez, preuves à l’appui,  la mainmise sur le pays. Bougez. Faites-vous entendre. Ne restez pas éternellement entre quatre murs à vous chamailler pour des banalités. Vos militants, las d’attendre, ne résisteront plus longtemps à l’appel des sirènes. Même si objectivement le pouvoir travaille pour vous,  et grossit chaque jour un peu plus le rang des mécontents, la nature a horreur du vide. Et, à force de vider les lieux, vous finirez par vider vos propres rangs. Alors de grâce ressaisissez-vous !
Aux dernières nouvelles, votre forum serait au bord de l’implosion, ayant été incapable de faire prévaloir le consensus. Ce serait la pire des choses qui puisse vous arriver. Que serait notre démocratie, déjà balbutiante, sans une opposition forte et soudée ?
A trois ans de la fin de l’actuel mandat, les grandes manœuvres ont déjà commencé et il serait suicidaire de rater encore une fois le train.
A bon entendeur !

                                                                                                      Ahmed ould Cheikh

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